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vendredi 1 novembre 2013

La poésie des étoiles filantes



Dans « My Generation », les Who chantaient « I hope I die before I get old » (j’espère mourir avant de devenir vieux). Andrès Caicedo et Guillaume Serp sont morts bien avant la vieillesse. Tous deux percevaient l’âge adulte comme un avenir accablant et menaçant, et n’ont pas souhaité y participer : le premier s’est suicidé à 25 ans en 1976 à Santiago de Cali en Colombie, le second a été retrouvé mort après avoir mélangé alcool et médicaments le 30 décembre 1987 chez ses parents à Paris. Il n’avait que 27 ans. Deux météores, donc, qu’on (re)découvre ces jours-ci en France.
Andrés Caicedo
Andrés Caicedo, considéré comme le Rimbaud des lettres colombiennes, fait aujourd’hui encore l’objet d’un véritable culte dans son pays. À Cali, il existe même un tour littéraire des lieux emblématiques de la ville, « La Ruta de Caicedo ». Plongé dans l’écriture dès l’âge de quatorze ans, il a produit des pièces de théâtre, des scénarios, de très nombreuses nouvelles… et deux romans : « Que viva la musica ! », considéré comme son chef-d’œuvre (et qui vient d’être réédité en poche) et ce « Traversé par la rage » qui nous arrive aujourd’hui. C’est un peu « Zazie dans les rues de Cali » : dans les années 60, un collégien doué à la fois pour la baston et pour les études (eh oui…) grandit tant bien que mal entre bagarres, séances de ciné et rock’n roll… et  revient se faire chouchouter par sa maman quand ça craint trop dans la rue. Il ne baisse les yeux devant personne, et salive devant deux choses : les « galladas », ces bandes de petits caïds qui font régner la terreur et se prennent pour James Dean, et sa cousine Maria, riche alors qu’il est pauvre

. C’est drôle, touchant, « un appel à la révolte poétique, espiègle et foncièrement irrévérencieux » comme l’écrivent son traducteur et ses amis dans la préface du livre.
Guillaume Serp
Guillaume Serp, quant à lui, arpentait le pavé parisien. Il était le chanteur leader du groupe de new wave Modern Guy (il a ainsi écrit des chansons pour Lio). Comme chez Caicedo, son roman est largement autobiographique. Nous sommes en 1978 : Philippe, le double de l’auteur, se glisse dans tous les lieux de la branchitude. Il vit avec Cassandre, mais dans le fantasme/souvenir d’Ancilla. On sort, on boit, on se drogue, on danse, on s’ennuie : on s’ennuie le jour, trop long, on s’ennuie la nuit, chargée d’espoirs puis de déceptions. Philippe ressent « un urgent besoin de quelque chose qui n’existait pas, ne pouvait pas exister et n’existerait jamais ». Ce qu’il appelle aussi « l’or du millième matin des alchimistes enroués. » Il se cherche un destin, dans la littérature ou le rock, vivant « dans l’attente d’un atroce tiraillement au ventre, d’une déchirure vive et rectiligne qui m’eût fait saisir un stylo ou un micro parce que je n’aurais pas pu faire autrement. Mais quand j’avais mal au ventre, c’était parce que j’avais mangé trop de chocolat. »
LIRE « Traversé par la rage », Andrés Caicedo, éd. Belfond, 180 p., 15 €. Du même auteur, en poche, « Que viva la musica ! », éd. 10/18, 264 p., 7,50 €.
« Les chérubins électriques », Guillaume Serp, l’éditeur singulier, 224 p., 16,50 €.

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