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vendredi 25 mai 2012

Un Attali peut en cacher un autre


Jacques et Bernard Attali. Des jumeaux. Nés en 1943 à Alger, tous deux énarques. Le premier, après avoir été durant 7 ans le sherpa de François Mitterrand, est devenu une figure de la vie intellectuelle avec 17 livres à son actif (le dernier en date, « Candidats, répondez ! », éd. Fayard). Le second est moins connu, malgré une carrière brillante à la tête de la Datar, du GAN et d’Air France. Il publie son second livre, un premier roman, à clés, sur le monde des affaires. Un huis clos entre un grand patron déchu et ses avocats, après une crise qui a ruiné le monde. Le livre d’un témoin à charge fort bien informé (« La mise en examen », éd. Grasset, 130 p., 14 €).

Quand nos vies valent la peine d’être vécues



François Cheng
J.-B. Pontalis
Chez François Cheng, l’amour rend immortel dans la Chine du cruel roi Zheng. Pour J.-B. Pontalis, avoir tous les âges serait une réponse à la peur de la mort.

Elle s’appelle Chun-niang. Elle n’est encore qu’une enfant quand ses parents, de pauvres paysans jetés sur les routes à cause d’une famine, la vendent à des aubergistes. Là, elle va à la fois connaître l’horreur en se faisant violer par son nouveau « père », et une double illumination, en rencontrant les deux hommes de sa vie : Gao Jian-li, qui ensorcele son public en jouant du zhou (un instrument à cordes chinois), et Jing Ko, un mercenaire au grand cœur. Ces trois-là, dans la folie de ces temps reculés (le 3ème siècle avant notre ère) vont vivre d’amour et d’amitié, de passion et de respect, en harmonie avec la nature. « Moment miraculeux. »
Hélas, hier comme aujourd’hui, la folie d’un seul peut précipiter dans le malheur des millions d’autres. Le tyran d’alors se nomme le roi Zheng. Aussi ambitieux qu’audacieux, il « est connu pour son caractère cruel et féroce. » Son appétit de pouvoir n’a pas de limites, et il se lance à l’assaut des royaumes voisins, les réduisant à sa merci l’un après l’autre, ruinant les territoires, décimant les populations, régnant par la terreur et les tortures les plus effroyables. Il sera confié au valeureux Jing Ko la mission de l’assassiner. En pure perte. Gao Jian-li prendra le relais. Il en mourra aussi. Histoire tragique ? Certes. Mais ces deux « âmes errantes », comme les qualifie François Cheng, vont revenir, et reprendre leur merveilleuse ronde avec Chun-niang, dans cette vie, une autre vie, « une autre vie dans cette vie. » Que s’élève alors, pour clore ce livre singulier, mélange de récit historique et d’ouvrage de sagesse universelle, le délicat et puissant « chant des âmes retrouvées », celui qui clame que « toute vie est à refaire et à réinventer. »
J.-B. Pontalis est compagnon de philosophie de François Cheng. Le temps est également sa grande question. Dans « Avant », il s’interroge, par fragments, anecdotes ou abécédaire, sur cette étrange manie que nous avons (presque) tous de dire « C’était mieux avant », au mépris du constat objectif de l’amélioration de nos conditions d’existence. Plusieurs explications : ceux qui nous étaient chers disparaissent (avant, c’était « quand tous mes amis, quand tous ceux que j’aimais, étaient vivants ») ; et « nous acceptons mal notre finitude, nous ne voulons pas être réduits à notre existence éphémère » ; enfin, notre mémoire ne sélectionne peut-être que les pages roses du passé (c’est pour cela que le psychanalyste « ne fait guère confiance aux souvenirs racontés, évoqués, tant ceux-ci sont transformés, déformés comme l’est tout récit »).
Nous nous retournons avec trop de bienveillance sur notre passé car, plus nous vieillissons, et plus nous prétendons que le temps s’écoule trop vite. La fin approche à trop grands pas, en nous laissant dans l’ignorance de son irruption. La solution - et là Pontalis rejoint encore François Cheng - serait d’affirmer haut et fort que « j’ai tous les âges, je suis un animal féroce, un végétal, une étoile, un rocher, un fleuve, un feu qui brûle, un oiseau, un poisson, je nais et je meurs. » Et la peur serait partie ?

LIRE « Quand reviennent les âmes errantes », François Cheng, éd. Albin Michel, 160 p., 14 €.
« Avant », J.-B. Pontalis, éd. Gallimard, 146 p., 14,50 €.

jeudi 24 mai 2012

Jeudi, les meilleures ventes


 Romans

1. « 7 ans après… », Guillaume Musso, XO éditions, 22 €.
2. « Si c’était à refaire », Marc Levy, éditions Robert Laffont, 21 €.
3. « Le grand Cœur », Jean-Christophe Rufin, éditions Gallimard, 22 €.
4. « Volte-face », Michael Connelly, éditions Calmman-Lévy, 21,50 €.
5. « Les années perdues », Mary Higgins Clark, éditions Albin Michel, 22 €.

Essais et documents

1. « Derniers carnets : scènes de la vie politique en 2012 (et avant) », Franz-Olivier Giesbert, éditions Flammarion, 18 €.
2. « Bête noire : condamné à plaider », Éric Dupond-Moretti, Stéphane Durand-Souffland, éditions Michel Lafon, 18 €.
3. « L’âme du monde », Frédéric Lenoir, NiL éditions, 18 €.
4. « Le sel de la vie », Françoise Héritier, éditions Odile Jacob, 7 €.
5. « L’homme qui ne devait pas être président », Karim Rissouli, Antonin André, éditions Albin Michel, 18 €.

Classement des meilleures ventes de livres en France du 14 au 20 mai 2012.
Ce classement est une exclusivité LIVRES HEBDO /IPSOS

vendredi 18 mai 2012

Fiers, loyaux... et prêts pour la baston



John King
 Le skinhead fait peur, le skinhead est synonyme de fasciste. Il fallait un Anglais, John King, pour rétablir la vérité sur l’Histoire de ce mouvement.

April, sa femme, est morte il y a dix ans, et Terry, à presque cinquante ans, se tient toujours debout. Il a fini de payer le crédit de son pavillon, il dirige sa propre boîte, il a un peu d’argent à la banque, ses filles, 20 ans et plus, sont installées dans la vie. Laurel, son fils, a bien quitté la maison a 15 ans, mais ne semble pas être en danger pour autant. Mais il reste April. Son souvenir, partout, tout le temps.
Terry ne laisse rien paraître. C’est un dur, un skinhead, qui a très tôt appris à se battre dans cette banlieue de Londres, peut-être en réaction à un père trop accommodant. D’ailleurs, sa compagnie de taxis, Estuary cars, n’embauche que des skinheads (voir l’extrait ci-dessous). Pas forcément des mecs faciles à vivre, mais fidèles, loyaux, solidaires. Des skinheads quoi. Car, c’est bien là toute la force du roman de John King, icône de la littérature prolétaire depuis le succès de « Football factory », c’est de rendre justice à ce mouvement – les skinheads – devenu aujourd’hui synonyme de violence et d’extrémisme de droite.
L’image est classique. Elle tient du cliché. Qu’est-ce qu’un skinhead si ce n’est un abruti tondu et tatoué, gueule de tueur et cerveau de pitbull, raciste, casseur de « pédés », amateur de foot (le skinhead se double souvent du hooligan) et de musique dégénérée ? John King rappelle que les skins apparaissent en Angleterre au début des années 60. Dans les quartiers populaires, une partie de la jeunesse ne se reconnaît pas dans les hippies, elle préfère se marginaliser en restant respectueuse des valeurs de la classe ouvrière britannique : défense de la communauté, virilité, amour de la bière, fraternité, patriotisme. Ces fils d’ouvriers se sentent plus proches des émigrés jamaïquains que des banlieusards parvenus de la middle class. Pauvres noirs et petits blancs sont dans la même galère. Ils écoutent le même reggae d’origine jamaïquaine, ou son ancêtre, le ska (un rythme plus rapide).
Comme toujours en Angleterre, une mode musicale engendre une mode vestimentaire et les jeunes prolos blancs amateurs de reggae cultivent un look opposé à celui des hippies. Ceux-ci portent des cheveux longs ? Les fils de l’East End se rasent le crâne – la légende veut aussi que ces « rastas » blancs se soient coupés les cheveux pour ne plus être agrippés par la police montée de Sa Majesté – et les tabloïds les affublent du surnom de skinheads, littéralement « têtes peau ». Les hippies arborent des chemises à fleurs ? Les skins se contentent de sobres blousons de toile noire (les Harrington), de chemises de boucher (Ben Sherman), de lourds pardessus (crombies) et de godillots à lacets inventés par un orthopédiste, le docteur Martens. Ils adoptent un cri de ralliement emprunté au patois cockney (londonien) : « Oï ! », une abréviation de « O, you ! » (« Hep, toi ! ») utilisée pour apostropher quelqu’un.
Oui, au-delà de l’amour (ah ! la voluptueuse Angie) et de la mélancolie (Terry ouvre un pub « à l’ancienne ») qui baignent ces pages, John King raconte une page d’Histoire méconnue. Une Histoire toujours en train de s’écrire. Si son roman pouvait faire tomber quelques préjugés et stéréotypes, il aurait gagné la partie.

LIRE « Skinheads », John King, éd. Au Diable Vauvert, 392 p., 22 €.

samedi 12 mai 2012

Le loser Dounovetz, belle découverte !


photo Louis Monier
Il écrit des romans noirs sous le nom de Dounovetz. Il se raconte en empruntant le nom de sa mère, Chefdeville. L’enfant de Frédéric Dard alias San-Antonio.

« La lose, chez moi, c’était un art de vivre. Le meilleur des perdants, c’était ça mon credo. A mes yeux, ça présentait toujours mieux qu’être premier en étant juste un honnête faiseur. J’étais sans concessions et avec mon caractère de cochon, j’entretenais mon insuccès. Je ne savais pas me vendre et ne faisais jamais le moindre effort pour que la situation s’arrange. Tout sauf une pute, totalement réfractaire au système, je n’aimais que le rock tartare et les amplis qui saignent. »
De cette profession de foi, on retiendra deux choses : primo, que Serguei Dounovetz est d’une honnêteté sans faille dans la confession ; deusio, que le bonhomme est pris, parmi ses nombreuses faiblesses, d’une addiction pathétique pour le jeu de mots à deux balles. « Le rock tartare, les amplis qui saignent », fallait oser. Un autre exemple ? Quand on lui demande de tricoter une intrigue à la Raymond Chandler, l’auteur culte de romans noirs, il rétorque : « Mais moi, je m’en branlais de Chandler, j’ai jamais aimé les crêpes. » C’est bien simple, on n’avait pas vu tel tripotage éhonté de langage depuis Frédéric Dard, et son avatar San-Antonio. C’est évidemment un compliment. Les points communs ne manquent pas entre les deux auteurs : comme Frédéric Dard, Dounovetz s’est inventé un double, Chefdeville, le nom de sa mère. Au premier, l’écriture de ses polars. Au second, les récits autobiographiques. Autre point commun : un pessimisme fondamental, qui les condamne tous deux à rire (jaune) de leur existence absurde.
Dans « Je me voyais déjà… », Dounovetz/Chefdeville se raconte. Ses origines : « un drôle de pedigree, un sang-mêlé, moitié feuj ukrainien coco, un quart bourguignon catho, et le dernier quart, pas breton, mais auvergnat poujadiste, un vrai Gaulois quoi. » Son improbable parcours. Les incroyables rencontres de sa vie : Maurice Béjart ou Merce Cunningham pour la danse, Mick Jagger (en auto-stoppeur !) ou les Pink Floyd pour le rock, Philippe Noiret ou Annie Girardot pour le cinéma. Autant de scènes d’anthologie. Faut-il tout croire ? Tout est vrai… ou presque, paraît-il.
On rit énormément. On s’attache surtout à drôle de misanthrope, qui aura placé l’échec au rang de coquetterie : « Pourquoi les opportunités m’étaient-elles toujours arrivées trop tôt, alors que j’étais velléitaire et immature, et trop tard, quand je n’avais plus le goût de la rébellion et du succès ? » On se prend de tendresse pour une telle sincérité. On en redemande, ce talent-là est bien rare.
Justement, histoire de rester encore un peu avec lui, les éditions du Dilettante profitent de la sortie de « Je me voyais déjà… » pour rééditer « Odyssée Odessa », un flamboyant roman noir paru pour la première fois en 1999. Un roman de mecs « qui en ont », ça percute dans les mots et dans l’action, des tripes, de la gouaille. Les vrais durs (ici, il s’appelle Kléber) ont un gros cœur, les petites frappes ont le sang chaud, et tout le monde, flics et voyous, cherche à y voir clair. Le suspense est impeccable, l’écriture tendue et tonique, les personnages habités. Là aussi, on en redemande.

LIRE Aux éditions Le dilettante, « Je me voyais déjà… » signé Chefdeville et « Odyssée Odessa » signé Dounovetz, 286 p. et 20 € le volume.

jeudi 10 mai 2012

Jeudi, les meilleures ventes


Romans

1. « 7 ans après… », Guillaume Musso, XO éditions, 22 €.
2. « Si c’était à refaire », Marc Levy, éditions Robert Laffont, 21 €.
3. « La liste de mes envies », Grégoire Delacourt, éditions J.C. Lattès, 16 €.
4. « Le grand Cœur », Jean-Christophe Rufin, éditions Gallimard, 22 €.
5. « Les dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus », Éric-Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel, 12 €.

Essais et documents

1. « Déclarons la paix ! Pour un progrès de l’esprit », dalaï-lama, Stéphane Hessel, éditions Indigène, 5 €.
2. « Méditer, jour après jour : 25 leçons pour vivre en pleine conscience », Christophe André, éditions L’Iconoclaste, 25 €.
3. « Une larme m’a sauvée », Angèle Lieby, Hervé de Chalendar, éditions Les Arènes, 17 €.
4. « Bête noire : condamné à plaider », Éric Dupond-Moretti, Stéphane Durand-Souffland, éditions Michel Lafon, 18 €.
5. « Moi, on ne m’a jamais demandé comment j’allais… », Marie Fugain, éditions Michel Lafon, 18 €.

Classement des meilleures ventes de livres en France du 30 avril au 6 mai 2012.
Ce classement est une exclusivité LIVRES HEBDO /IPSOS

mercredi 9 mai 2012

Le mot du jour

Personnage
A la suite d'une plainte de l'association Ni putes ni soumises (NPNS), Orelsan, le rappeur de 29 ans originaire de Caen, était jugé à Paris cette semaine pour "provocation à la commission de crime et d'agression sexuelle" après la diffusion sur Internet, de 2006 à 2009, du clip illustrant "Sale pute", une chanson écrite en 2004, jamais enregistrée ni jouée sur scène. L'occasion de rappeler que Ni putes ni soumises se trompe de cible. Oui, il faut combattre sans relâche la violence contre les femmes. Évidemment. Et c'est justement ce que faisait, mais si !, Orelsan dans sa chanson. Il est utile de rappeler que le gros con que met en scène Orelsan est un personnage de fiction, une invention, donc, et que le confondre avec son créateur est une insulte à la liberté de création. Orelsan aurait eu le talent terrible de rendre son personnage crédible... et en serait réduit à devoir se défendre devant les tribunaux pour avoir exercé avec bonheur son métier ! La procureure ne s'y est pas trompée, demandant la relaxe du chanteur. "Vous n'êtes pas les juges du bon goût, de l'éthique ou de l'esthétique de ces vers, mais ceux de la liberté de l'expression artistique", a-t-elle souligné au tribunal. Jugement le 12 juin.

mardi 8 mai 2012

Troisième révolution


Michel Serres baptise la jeune génération du joli sobriquet de « petite poucette » car, à ses yeux, cette génération se sert énormément de ses pouces avec les jeux vidéo, le téléphone portable et autres délices technologiques. Pour l’auteur, nous serions en passe de vivre la troisième grande révolution de l’humanité après le passage de l’oral à l’écrit et celui de l’écrit à l’imprimé. Aujourd’hui, avec le numérique, les supports, les sources et les façons de communiquer sont bouleversés. Une nouvelle donne qui fait que le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer : les institutions, le vivre ensemble, une manière d’être et d’apprendre.
Michel Serres, en philosophe de l’action, nous propose de partir de ce que nous avons connu et de ce que nous vivons pour se lancer dans une projection vers l’avenir. Pour éviter de verser dans le jargon, il choisit la forme du conte. Bien vu.
LIRE « Petite poucette », Michel Serres, éditions Le pommier, 82 p., 9.50 €.

dimanche 6 mai 2012

Grandir, le métier le plus difficile


Bernard Chapuis
Cécile Coulon

Les adultes font des mystères. Comment l’enfant va-t-il faire alors pour devenir une « grande personne » ? Bernard Chapuis et Cécile Coulon racontent.

A quoi ressemblent les rues de Paris quand on débarque, à l’âge de huit ans dans les années cinquante, à Singapour ? A une jungle. Le petit Jean Dulac, baptisé « l’Angliche » à l’école pour sa connaissance approximative du français et son accent anglais, doit tout (ré)apprendre. La géographie, l’histoire, les relations sociales. Pas facile de grandir ainsi quand, en plus, les repères familiaux sont pour le moins baroques. Quand les parents invitent des amis, c’est pour… se coucher sur les tapis du salon et fumer de l’opium. Et puis il y a Lou. Ce père d’apparence si sereine (officier de la Royale, tout de même !) et si complexe, attachant et lointain. Un héros, bientôt un fantôme.
Ce retour en France en 1953, l’année de la mort de Staline (l’événement ouvre le roman), sonne d’abord comme un émerveillement bancal aux yeux de Jean. Mais, peu à peu, les pièces d’un puzzle trouble se mettent en place : les fins de mois difficiles remplacent la vie luxuriante en Asie, l’opération d’une hernie de maman cache bien autre chose, et si le mensonge familial veut que Lou soit « fatigué », la réalité est bien plus sombre. C’est à un rêve brisé auquel nous convie Bernard Chapuis dans un roman très autobiographique, aussi élégant que mélancolique, aussi acidulé que documenté. Rien n’est grave, tout est mystère. Et c’est ainsi que les enfants doivent grandir, tant bien que mal.
Grandir, Thomas, le héros du « Roi n’a pas sommeil » de Cécile Coulon, n’y est pas arrivé. Tout est parti en eau de boudin, on ne sait pas trop comment. Sa maman était si gentille, en adoration devant son fils. Fière, « comme toutes ces mères qui admirent leurs bambins sans trouver quoi que ce soit à leur reprocher, si ce n’est l’agaçante perfection qu’ils mettent en œuvre dans tout ce qu’ils accomplissent. » Les deux vivaient une relation fusionnelle. Thomas était un si bon garçon, toujours prêt à porter les sacs des petites vieilles à la sortie des magasins, à donner un coup de main pour un déménagement. « Un modèle d’altruisme. »
Mais personne ne connaissait réellement Thomas. En grandissant, il s’était certes transformé, mais seulement physiquement. « Son corps avait pris de l’assurance, lui non. Son âme ressemblait à un miaulement sorti d’un bunker. » Thomas était, en son fort intérieur, scellé en lui, le portrait craché de son père, William Hogan. Taciturne, ombrageux, rongé par ses démons. Un soir, alors qu’elle s’emportait de désir pour Thomas, la délicieuse Donna allait soulever le couvercle, libérer la violence qui hantait le jeune homme. Le mal allait terrasser l’agneau.
L’Amérique profonde est à la mode ces temps-ci chez les auteurs français : après Laurent Seksik, Richard Morgiève ou Marc Dugain, Cécile Coulon s’en sert à son tour pour dire le combat acharné, à l’issue incertaine, pour devenir un homme. Jouant de la chronique (pour le réalisme) et de la poésie (pour les métaphores, souvent magnifiques, parfois dispensables), elle témoigne du danger à laisser le silence s’installer dans le cœur des enfants.

LIRE « Le roi n’a pas sommeil », Cécile Coulon, éd. Viviane Hamy, 144 p., 17 €.
« Onze ans avec Lou », Bernard Chapuis, éd. Stock, 272 p., 17 €.

Le mot du jour

Anaphore
Le point culminant de la campagne du second tour des présidentielles aura sans nul doute été l'anaphore employée par François Hollande lors du débat télévisé entre les deux candidats. "Moi, président de la République...". A seize reprises, il y est revenu, sans que, à la surprise générale, son adversaire ne l'interrompe. Il faut dire que Nicolas Sarkozy n'est pas avare non plus (on dit que l'anaphore est la signature des discours rédigés par Henri Guaino) de cette figure de style d'insistance, de renforcement : dans son discours de Dijon, il reprenait 46 fois (!) l'expression "Pourquoi tant de haine ?"
La plus belle des anaphores, utilisée par tous les poètes et auteurs classiques, reste peut-être celle d'André Malraux ("Entre ici, avec..") lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon.

samedi 5 mai 2012

Laurence Tardieu, prix Printemps du Roman 2012



C'est une histoire d’amour et de silence. Impressionnante d'engagement, de puissance et, malgré la colère, la véhémence et, en fin de compte, la tendresse infinie qui porte le roman, de maîtrise. « La confusion des peines » est, en fait, l'histoire du combat de l'amour et du silence entre un père et sa fille. Laurence Tardieu a demandé à son père l'autorisation d'écrire ce livre, il a refusé, « tu l'écriras quand je serai mort » a-t-il exigé, elle a désobéi, elle écrit pour les vivants  Le père n'a pas, n'a plus envie d'entendre parler de ce passé- là : un des directeurs de l'ex-Compagnie Générale des Eaux, il a été condamné pour corruption, condamnation définitive en janvier 2000... au moment où la mère de Laurence apprend qu'elle est atteinte d'une tumeur au cerveau. Elle mourra en octobre de la même année.
Drames concomitants, et le souffle coupé pour Laurence : « tout ce que je croyais depuis l'enfance n'était-il qu'une misérable illusion ? » Elle avait cru que l'humanité pouvait se diviser en deux, avec, d'un côté, « les êtres au regard clair » (comme son père) et, de l'autre, pour faire court, « les salauds ». Mais le monde n'est pas en ordre, tout y est infiniment plus complexe, elle le savait, elle l'avait lu dans des livres, vu dans des films, tant constaté dans l'actualité, mais elle n'en avait jamais fait l'expérience.
De tout cela, il ne faut pas parler. La famille est installée dans les beaux quartiers, le XVIème arrondissement de Paris (dont l'auteur peint un portrait au vitriol), le silence, comme le reste, est d'or. « Il fallait taire ce qui était monstrueux. Alors, on a tu. » Aujourd'hui, elle n'en peut plus, elle prend la parole, la « fille de », la petite fille qui vénérait son papa, est devenue une femme. Libre et libérée. Son roman était le coup de poing de la rentrée littéraire de l'automne 2011. Il vient de décrocher le prix Printemps du Roman de la Foire du Livre de Saint-Louis.

LIRE « La confusion des peines », Laurence Tardieu, éd. Stock, 154 p., 16 €.

Le mot du jour

Changement
Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. (Francis Blanche)

jeudi 3 mai 2012

Jeudi, les meilleures ventes


Romans

1. « 7 ans après… », Guillaume Musso, XO éditions, 22 €.
2. « Si c’était à refaire », Marc Levy, éditions Robert Laffont, 21 €.
3. « La liste de mes envies », Grégoire Delacourt, éditions J.C. Lattès, 16 €.
4. « Les dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus », Éric-Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel, 12 €.
5. « Le grand Cœur », Jean-Christophe Rufin, éditions Gallimard, 22 €.
6. « Avenue des géants », Marc Dugain, éditions Gallimard, 22 €.
7. « 1Q84, livre 3 : Octobre-Décembre », Haruki Murakami, éditions Belfond, 24 €.

Essais et documents

1. « Déclarons la paix ! Pour un progrès de l’esprit », dalaï-lama, Stéphane Hessel, éditions Indigène, 5 €.
2. « Le sel de la vie », Françoise Héritier, éditions Odile Jacob, 7 €.
3. « Bête noire : condamné à plaider », Éric Dupond-Moretti, Stéphane Durand-Souffland, éditions Michel Lafon, 18 €.
4. « L’impétueux », Catherine Nay, éditions Grasset, 22 €.
5. « Métronome : l’Histoire de France au rythme du métro parisien », Lorànt Deutsch, éditions Michel Lafon, 18 €.
6. « La femme qui résiste », Anne Lauvergeon, éditions Plon, 20 €.
7. « Moi, on ne m’a jamais demandé comment j’allais… », Marie Fugain, éditions Michel Lafon, 18 €.
8. « XXI, n°18 : Nos cousins d’Europe », collectif, éditions XXI, 16 €.
9. « Sur la route de papier », Erik Orsenna, éditions Stock, 22 €.

Classement des meilleures ventes de livres en France du 23 au 29 avril 2012. Ce classement des Meilleures Ventes est une exclusivité LIVRES HEBDO /IPSOS