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vendredi 25 juillet 2014

Coupables ?



En juillet, le narrateur, qui ressemble à l’auteur, se pose dans les Dolomites. Il escalade des montagnes, dit quelques bonjours, et il écrit quand il a de quoi : « l’écriture reste pour moi une fête, pas une obligation ». Un jour, installé dans une auberge à travailler sur une traduction du yiddish, il se retrouve à la table voisine d’un ancien nazi perpétuellement en fuite depuis la fin de la guerre, et de sa fille. Ces deux-là vont être chavirés par la présence du narrateur, pour des raisons bien différentes. Jusqu’au drame…
Erri de Luca s’empare de cette rencontre improbable pour nous amener, une fois de plus, à son altitude de philosophe aux mains calleuses. Tant a déjà été écrit sur la Shoah, sur l’éternel balancier responsables/coupables, et pourtant la voix d’Erri de Luca sonne comme inédite. Se demandant notamment si « le tort du soldat” tient dans l’obéissance ou la défaite ? Une lecture indispensable.
LIRE « Le tort du soldat », Erri de Luca, éd. Gallimard, 90 p., 11 €.


mardi 22 juillet 2014

Le coup de coeur de Laurent Gentilhomme



Une uchronie dans l'île cubaine, il fallait oser. Bon, avec des personnages comme Fidel Castro, le Che et Ernest Hemingway, on a du personnage, du mythe, du lourd pour tricoter une aventure pleine de souffle dans les montagnes de l’Escambray. Ici l’uchronie - la réécriture de l'histoire à partir de la modification d'un événement du passé - consiste à rayer des livres d’histoire le fiasco américain de la baie de Cochons et d’imaginer un débarquement US réussi, qui culbute Fidel, le Che et ses barbus du pouvoir. Nos communistes révolutionnaires reprennent le maquis et ce vieil ivrogne d’Hemingway décide de retrouver ses anciens companeros pour un grand reportage qui lui permettra, enfin, de décrocher le prix Pulitzer. Bref, Ernest, Ernesto et Fidel sont sur une montagne et la CIA fait tout pour que les trois tombent dans un ravin. Si ça ne s’appelle pas un bon bouquin de vacances, ça…
LIRE « Aucun homme n’est une île », Christophe Lambert, éd. J’ai lu/Nouveaux Millénaires, 288 p., 16 €.

Exister



Impossible à résumer ? Laissons faire l’auteur : « Nous avons compris depuis longtemps qu’il n’était plus possible de renverser le monde, ni de le remodeler, ni d’arrêter sa malheureuse course en avant. Il n’y avait qu’une seule résistance possible : ne pas le prendre au sérieux. » Des amis parisiens essaient de vivre une existence décente, entre mensonges pathétiques, blagues foireuses, et crash d’une bouteille de (très vieil) armagnac. En parallèle, à une époque indéterminée, Staline se joue de sa cour, Brejnev, Kroutchev et consorts. Au final, pour le lecteur, « un non-sens qui captive justement parce qu’il n’a aucun sens. » De ces pages si légères, d’apparence presque idiotes, on retiendra que rien ne sert de se prendre au sérieux, surtout à l’heure où toutes les utopies ont été assassinées. Place à l’insignifiance, dans son innocence et sa beauté. Aimer l’inutile, voilà ce qui s’appelle exister.
LIRE « La fête de l’insignifiance », Milan Kundera, éd. Gallimard, 144 p., 15,90 €.

Les coups de coeur de Pierre Maenner



Ces 65 petites non-histoires, dans un petit bouquin noir de 150 pages - le compte est vite fait : elles durent chacune le temps de deux ou trois pages, parfois il n'y en a qu'une - ne font pas un roman et ne sont pas non plus des nouvelles. Juste un regard jeté sur des moments quelconques et ce qu'ils ont de rare, à y regarder de plus près.
Ces 49 petits parcours, dans un petit bouquin de 158 pages à l'air topographique -faites le compte : chacune couvre en moyenne trois pages, quelquefois deux ou quatre - ne sont pas des nouvelles et ne font pas davantage un roman. Juste des tentatives « pour résister à la tentation de l'ennui à la campagne ».
Deux petits livres tout pareils, sortis tous les deux le même jour – coïncidence - qui lus successivement ou simultanément, vous feront jouer aux « 7 différences », petit passe-temps de saison.
LIRE « On ne va pas se raconter d'histoires », David Thomas, éd. Stock,  150 p., 14 €.
« Ici », Christine Van Acker, éd. Le Dilettante, 158 p., 15 €.



Depuis quarante ans il navigue sur des chalutiers ou des cargos, toujours absent partout, jamais chez lui nulle part. Marseille ici, Salvador de Bahia là-bas. Entre les deux, l'équateur à franchir. Un océan à passer pour aller d'une mère à l'autre. A Marseille, il laisse une femme, deux filles, grandes, bientôt des petits-enfants, une famille, son passé. A Bahia, il rejoint une maîtresse et son petit garçon, un avenir s'il en reste. A présent maître d'équipage, aux prises avec un ramassis de gens comme lui, faits de toutes pièces et sans attaches, il envisage son dernier voyage. Au milieu de l'océan non plus, il ne se retrouve plus. Le temps vient de se poser sur une terre. Mais de quel côté de la ligne ira-t-il jeter les amarres ? Avant, après, quelle partie de lui choisira-t-il d'oublier ? Un beau premier roman, qui roule sur l'errance de l'être quand il cherche sa route, ballotté par les houles.

LIRE « Après l'équateur », Baptiste Fillon, éd. Gallimard, 220 p., 17,50 €.


Jeu tue



Après « le Jeu », Anders de la Motte revient avec la deuxième partie de sa trilogie. Mais ce « Buzz » est accessible même sans avoir lu le premier tome. Nous retrouvons Henrik Pettersson - dit HP – quatorze mois après avoir doublé « le jeu » et être parti avec la cagnotte. Il se cache de ci-de là, endosse différentes identités, rencontre la somptueuse Anna Argos… qui va mourir. Ça ne rate pas : les ennuis recommencent pour HP, d’autant plus que la mission de sa sœur en Afrique tourne au fiasco. Le frère et la sœur vont finir par se retrouver, mais de manière bien inattendue… Et pas forcément innocente. Car « le jeu » n’est jamais bien loin, pour le bonheur et le malheur d’HP…
Anders de la Motte est décidément un maître dans la construction d’intrigues aussi palpitantes qu’alambiquées, aussi « réalistes » que visionnaires. Son regard – son analyse ? – sur l’utilisation d’internet fait froid dans le dos. Virtuel ou réel ?
LIRE « Buzz », Anders de la Motte, éd. Fleuve noir, 449 p., 19,90 €.