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vendredi 26 septembre 2014

Don Juan ou soldat ?



" Dès le plus jeune âge, j’ai joué les Don Juan ou les Casanova tout en envisageant une carrière de soldat et de révolutionnaire à l’image de Bakounine et de Che Guevara… » Ainsi se livre l’écrivain Edward Limonov dans « Le livre de l’eau », autobiographie (ou autofiction ?) rédigée en courts épisodes vécus dans un décor aquatique, écrite alors que l’auteur, politicien nationaliste, vient d’être jeté en prison par Poutine. Donc, Limonov et sa crise d’asthme à Nice, Limonov copulant avec Natacha au bord de l’Atlantique en Bretagne, Limonov en train de se battre dans les rues de Moscou ou à la frontière du Tadjikistan… L’auteur balaie sa vie d’une anecdote à une autre, d’une époque à une autre, range ses tranches de vie par mers, fleuves, lacs, fontaines. Au lecteur de juger de la pertinence de cette mise en perspective. On ne saura rien de ce qui anime ses choix : peut-être rien d’autre que la rage d’être.
Anne Vouaux
LIRE « Le livre de l’eau », Edward Limonov, éd. Bartillat, 287 p., 20 €.

Buffalo & co



Cette nouvelle histoire de Buffalo Bill Cody, génial ovni littéraire selon certains, a une belle qualité : on découvre comment le Wild West Show fut le précurseur du spectacle vivant, du reality show, des parcs d’attraction. Le récit de cette caravane qui parcourt le monde dès la fin du XIXe est absolument passionnante (Le Wild West Show pris même ses quartiers d’hiver à Benfeld en 1890), montrant un Buffalo génial bateleur, puis triste clown chapeauté ne sachant plus redescendre de son cheval. Malheureusement, l’auteur se tire un peu une flèche dans le pied quand il utilise Buffalo pour dénoncer l’action des Blancs sur les Indiens, rappelant le massacre de Wounded Knee… Oui, ce n’est effectivement pas la page la plus glorieuse de l’histoire américaine, oui le propos de Wild West Show peut être taxé de révisionnisme historique, mais ce n’est ni un scoop ni le récit le plus pertinent sur le génocide indien.
Laurent Gentilhomme
LIRE « Tristesse de la terre », Éric Vuillard, éd. Actes Sud, 176 p., 18 €.

Sortie de galère



Le titre résume tout : le récit circonstancié des années de jeunesse de l'auteur. La suite, en quelque sorte, de « Quartier Charogne » où Nan Aurousseau racontait son enfance et son adolescence.
Dans ce nouvel opus, l'homme rentre dans le dur : il devient voyou, fait de la prison, se reconstruit à travers le cinéma. On croise Truffaut, Claude Berri, Gainsbourg, pas mal pour un ex-taulard. Une petite claque par ci (à François Giroud), une autre par là (à Bertrand Cantat). Une existence haute en couleurs, racontée sans triomphalisme ni honte. Juste des faits. Avec en filigrane la critique sociale d'un pays qui sacrifie une partie de ses jeunes, ainsi qu'une dénonciation des conditions d’incarcération en France. Un livre honnête, une lueur d'espoir pour ceux qui pourraient désespérer des rails sur lesquels ils sont plantés. Si, il est (parfois) possible de quitter une voie (qui semble) sans issue...
LIRE « La ballade du mauvais garçon », Nan Aurousseau, éditions Stock, 333 p., 20 €.


vendredi 19 septembre 2014

Le coup de coeur de Thierry Boillot



Cette histoire-là, qui se dévore comme un polar, c’est du vécu à 100% : Justin St. Germain raconte le meurtre de sa mère. Victime de huit balles tirées par son beau-père, Ray. Un ancien flic qui s’est fait la malle. Tout est vrai et vérifiable. Mais Justin se trouve face à une question : pourquoi ? Alors il cherche partout dans ses souvenirs, dans les traces laissées autour d’une caravane perdue dans le désert d’Arizona… Le crime a eu lieu une semaine après les attentats du 11 Septembre près de Tombstone, la ville du règlement de comptes à OK Corral, là où est née la légende de Wyatt Earp. Avec la rage en dedans, Justin erre tel un fantôme dans ce  pays marqué par la violence. « Son of a Gun » (traduisez « bâtard »), il finit par se résoudre à se venger avec les mots. Au-delà du doute, il devra offrir un ultime cadeau à son irremplaçable mère : la vérité. Son témoignage n’en est que plus sincère et déchirant.
LIRE « Son of a Gun », Justin St. Germain, éd. Presses de la Cité, 324 p., 20 €.   

Dans la beauté sépulcrale du cercle polaire et la clarté surnaturelle du soleil de minuit, Liv, 18 ans, affronte le mystère d’inexplicables disparitions : deux jeunes frères sont retrouvés noyés et la mort continue de roder… Liv vit avec sa mère, artiste réputée mais recluse, qui a choisi l’exil au sein de cette petite communauté insulaire. Ici plus qu’ailleurs, les légendes norvégiennes, peuplées de trolls et d’inquiétantes créatures comme la huldra, troublent les esprits et déchaînent l’imagination collective. Comme possédée, Liv ne sort pas intacte de cet « Eté des noyés » que dépeint John Burnside. Sous sa plume stylée, poétique et surréaliste, des personnages parfois dignes d’un tableau halluciné d’Edvard Munch hantent ces paysages du bout du monde. Et Burnside de nous entraîner avec son héroïne aux portes de la paranoïa sur le fil d’un suspense schizophrène. Superbement angoissant.
LIRE « L’Eté des noyés », John Burnside, éditions Métailié, 336 p., 20 €.


Nous voici dans la tête de Marie, employée modèle dans une entreprise de matelas, larguée par son goujat de mec, kidnappeuse de chat, dont le fantasme du vrai grand amour est alimenté par une série de lettres anonymes. Dans ce nouveau roman au titre vaguement honteux, « Ça peut pas rater », Gilles Legardinier flirte avec la comédie romantique à l’américaine, sans toutefois trop arroser de fleurs bleues. Ouf. Le rythme de l’écriture est enlevé et de nombreuses formules font mouche. Genre : « Le bonheur, c’est comme les bonnes affaires, il n’y en a pas pour tout le monde ».  Certes, Marie se pose des tonnes de questions et aurait tendance à fatiguer le lecteur avec ses états d’âme, mais Legardinier a l’heureuse initiative de placer un peu partout des pointes d’humour par lesquelles on se laisse piquer avec un plaisir coupable. En pleine rentrée morose, un peu de légèreté ne peut pas faire de mal.
LIRE « Ça peut pas rater », Gilles Legardinier, Fleuve éditions, 432 p., 19,90 €.


Souvenirs de vacances… Arnaud Devillard n’a nul besoin d’un bon vieux diaporama pour raconter sa virée californienne. Ses mots valent bien de belles images et l’on se délecte des paysages somptueux qu’il nous vante. De camping en parcs nationaux, on vibre au pays des séquoias, ces arbres géants qui propulsent l’imagination au-delà des cimes.
Arnaud Devillard décrypte cette Amérique des grands espaces et de films mythiques tournés en décors naturels. On le suit dans ce voyage de rêve, à traverser des villes fantômes qui existent vraiment…  Mais il y a aussi les Américains avec leur motor-home ou caravane de luxe équipés de lit king size. Et l’on se délecte du « combat » permanent d’un couple de petits Français armé d’une simple tente igloo parmi les descendants de la ruée vers l’or qui ne conçoivent guère de nuit à la belle étoile sans un écran plat à proximité... Instructif, dépaysant et jubilatoire.
LIRE « Camping California », Arnaud Devillard, éd. Le Mot et le Reste, 272 p., 18 €.