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mercredi 22 août 2012

Les souvenirs mulhousiens de Max Genève


Jean-Marie Geng, l’Alsacien, l’universitaire polémiste, est devenu le romancier Max Genève. Il revient sur ses années de jeunesse mulhousienne.

Nous sommes au 79 de la rue de Bâle, à égale distance du parc Salvator et du canal du Rhône-au-Rhin. L’immeuble est toujours là, ce qui ne va pas de soi. Max Genève se souvient de ses années d’enfance, quand il s’appelait encore Jean-Marie Geng. « Une madame Fimbel habitait au premier étage. Maman bavardait souvent avec elle dans l’escalier, le temps me paraissait long, je tirais sur sa robe. Papa préférait bavarder avec une autre habitante de l’immeuble, Lucienne S., danseuse étoile au ballet municipal. Trop jeune pour lui, disait maman, pour se rassurer. Moi, j’avais peur de l’entrée de la cave d’où émanait une odeur bizarre et où nous ne descendions jamais, je savais que les morts ont leur demeure sous terre. »
Des fenêtres de l’appartement, la famille est aux premières loges pour assister aux événements. Le matin du premier mai, de longues files de cyclistes joyeux filent vers la Hardt pour cueillir du muguet. Le quatorze juillet, une colonne de véhicules de pompiers, avec la grande échelle, conduite par le colonel Ludmann dans son command-car rejoint, après un tour triomphal en ville, le défilé des troupes place du Quatorze-Juillet.
C’est aussi par la rue de Bâle, mais dans l’autre sens, que tous les ans, le cirque Pinder ou Amar entre dans Mulhouse. Là, encore, les souvenirs sont vifs : « À cheval parmi les cavaliers du Far West, nous dévorions des yeux le camion-lion transporteur de fauves. Clowns, jongleurs et trapézistes nous épataient, mais la troupe des éléphants inspirait le respect : une année, un pachyderme mauvais coucheur a troublé l’ordre public en piétinant l’étal d’un épicier imprudemment resté ouvert, après avoir englouti un plein cageot de laitues. » Et si l’année offre en plus un passage du Tour de France, c’est le bonheur complet.
Le dimanche, il faut aller à la messe (voir ci-dessous). Le curé avait remarqué que l’automobile concurrençait Dieu. Il organisait donc au printemps une cérémonie de bénédiction des voitures. Après la messe, les véhicules, briqués de frais, défilaient sous le goupillon. Max Genève sourit : « Quand la télévision entra massivement dans les foyers – marque évidente de concurrence déloyale –, Dieu jeta l’éponge. »
En 1955, il faut déménager. La famille s’est agrandie, quatre enfants dans le trois pièces de la rue de Bâle, ça n’est plus possible. Direction, le 6 allée Gabrielle-Koechlin, dans une petite barre alors flambant neuve. Chanceux, Jean-Marie ne perd pas de vue ses copains puisqu’il reste à l’École des frères… et, dit-il, « le plaisir du nouveau a vite compensé la nostalgie de mon ancien quartier. » Il habitera allée Koechlin jusqu’au bac… avant de se lancer dans des études universitaires à Strasbourg. Là, il vivra au FEC pendant deux ans, puis dans diverses chambres de bonne (« hélas sans la bonne »), notamment rue de Molsheim où, par absence de chauffage, il devait dormir habillé.
Quand viendra l’heure de se consacrer entièrement à la littérature, Max Genève quittera l’Alsace. Il vit aujourd’hui entre Paris et Bordeaux.

Max Genève, bio express
 
« Je suis un homme de l’Est, et du sombre. » Voilà comment se définit Max Genève, né Jean-Marie Geng à Mulhouse en 1945. Après avoir grandi à Mulhouse, il poursuit des études universitaires à Strasbourg (maîtrise de philo, doctorat de socio), avant d’y enseigner la sociologie pendant une dizaine d'années. Il publie à cette époque quatre essais, tous polémiques et salué par Barthes, Bourdieu ou Derrida, dont le plus connu est « Mauvaises pensées d’un travailleur social ».
En 1980, il démissionne, quitte l’Alsace, décide de se consacrer à la littérature et, pour marquer ce passage, choisit une nouvelle identité : Max Genève. Après un court récit, « La Prise de Genève », dans lequel il explique pourquoi il a changé de nom, puis un recueil de nouvelles (« Notre peur de chaque jour »), son premier roman, « Ma nuit avec Miss Monde » paraît en 1981 aux éditions Stock. Depuis, il a publié plus de vingt livres, alternant plusieurs veines : fantastique, musicale et policière (dont les six de la série « Simon Rose », un enquêteur beau gosse dans l’esprit d’un Nestor Burma). Il fait aujourd’hui son grand retour en littérature générale avec « Virtuoses » (éd. Serge Safran).

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