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vendredi 13 décembre 2013

L’une dessine, l’autre lui raconte sa vie



Benoîte Groult n’aime pas la BD. Ou plutôt : elle ne l’aimait pas. Jusqu’à ce qu’elle croise la route de Catel, la dessinatrice d’origine alsacienne (voir ci-dessous). Entre les deux femmes naît une amitié immédiate, alimentée par leur admiration commune pour la figure d’Olympe de Gouges. Elles se voient, se revoient, en Bretagne, à Hyères, à Paris – les trois pôles de Benoîte Groult -, Catel ne cesse de croquer dans ses carnets de moleskine les scènes vues et entendues. Bientôt, Benoîte rend les armes : va pour cette biographie graphique. 
Le résultat est formidable. En la découvrant, Benoîte Groult a eu l’impression « d’entrer dans un univers de liberté, de vérité et d’humour. » Mais également de se découvrir « nue, déchiquetée, percée à jour. » Car rien n’échappe à l’œil et au crayon de la malicieuse Catel. Rien de l’existence de cette vieille dame (93 ans !) qui fait vieillir l’idée même de vieillesse. Éternelle révoltée, militante et artiste, femme libérée et mère de plusieurs enfants. Quelle vie !
Tout démarre le 31 janvier 1920. Benoîte est la première née de Nicole Poiret et d’André Groult. La maman est une battante. Dessinatrice de mode, elle vend également les meubles de son mari dans son atelier, avec un énorme succès. Une mère tornade mais bien peu maternante, toujours à rabrouer la petite Benoîte, pas assez charmeuse, trop le nez fourré dans ses livres, impossible à marier. Au contraire de Flora, la sœur cadette.
Pourtant, Benoîte épouse Pierre, son premier mari, dès 1943, année de privations et de souffrances : elle avorte pour la première fois. Son époux décède peu après, au moment où Paris est libéré. Mais, elle le dit elle-même, elle n’est pas faite pour le malheur. Elle convole bientôt avec Georges de Caunes. Mais le séduisant grand reporter a d’autres priorités qu’elle (les copains et le travail), et se révèle être un macho insupportable. Le jour où il lui donnera une claque, elle trouvera le courage de rompre.
Qui est-elle alors ? La veuve de son premier mari ? L’ex-madame de Caunes ? Mademoiselle Groult ? Elle ne sait plus. Un homme marié va lui redonner le goût de la vie à deux, Paul Grimaud, qui finira par quitter sa femme pour elle. Pour une union libre, où elle devra apprendre à dépasser la jalousie. Car Paul disparaît régulièrement pour ses « escapades ». Elle ne sera pas en reste, et rendra régulièrement visite à Kurt, son amour de jeunesse, parti vivre aux États-Unis.
Vient ensuite le temps de l’engagement. Les batailles avec le MLF (Mouvement de libération des femmes), puis, assez seule, contre l’excision des fillettes, et, plus récemment, pour le droit de mourir dans la dignité. En 1975, elle triomphe avec le million d’exemplaires vendus de « Ainsi soit-elle », son essai féministe, qui lui apportera « considération, notoriété et argent. » Aujourd’hui, rien n’a changé : elle reste cette figure de pionnière et de modèle, où qu’elle aille. En témoignent par exemple les pages de Catel consacrées à un déplacement à… Strasbourg.
LIRE « Ainsi soit Benoîte Groult », Catel, éditions Grasset, 300 p., 22 €.



Catel l’Alsacienne
Catel est née Cathy Muller à Strasbourg, mais a grandi à Illkirch-Graffenstaden. Son grand-père tenait la librairie Gutenberg, c’est là qu’elle dessinait déjà toute petite. Elle a fait ses études aux Arts déco de Strasbourg, dans la célèbre section illustration.
Elle monte à Paris, se fait les dents en littérature jeunesse, avant de publier, avec son complice José-Louis Bocquet, « Kiki de Montparnasse », sa première biographie illustrée. Suivra « Olympes de Gouges », et d’énormes recherches documentaires sur le XVIIIème siècle pour cette obsédée du détail. Après le « Benoîte Groult », elle songe à dessiner la vie de Joséphine Baker, de Nico, l’égérie du Velvet Underground, ou de Bardot.


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