Rechercher dans ce blog

vendredi 7 juin 2013

Fante : père et fils, entre rage et comique



L’histoire sent bon sa légende, mais on ne s’en lasse pas. Charles Bukowski, l’auteur des « Contes de la folie ordinaire », écumait dans les années 70 les salles de lecture de la Bibliothèque municipale de Los Angeles, surtout pour dormir et s’abriter de la chaleur. Mais il lisait aussi, jusqu’à tomber par pur hasard sur « Demande à la poussière » (« Ask the dust » en VO) d’un parfait inconnu, John Fante. Et là, c’est le choc : Bukowski se retrouve comme quelqu’un « qui a trouvé de l’or à la décharge publique ». Comme le souligne Philippe Garnier, l’inlassable découvreur de pépites en Californie (auteurs, acteurs, réalisateurs) et qui amena Fante en France : on comprend « ce qui pouvait séduire Bukowski : la même drôlerie sauvage, le même amour, le même poids des mots sur la page. »
John Fante
« Demande à la poussière » est l’un des meilleurs livres de Fante, et les éditions Christian Bourgois ont l’excellente idée de réunir en un volume ce roman avec deux autres de la saga « Bandini » de John Fante. Arturo Bandini, l'alter ego de l'auteur, apparaît pour la première fois dans « La Route de Los Angeles », successivement comme terrassier, plongeur, débardeur, ouvrier dans une conserverie de poissons, « où il essaie de faire épeler le mot Weltanschauung à un thon de cinquante kilos ! » souligne Brice Matthieussent, le traducteur de l’ouvrage. Un livre, certes autobiographique, mais si délirant que tous les éditeurs le refusèrent. Écrit en 1936 (Fante avait alors 27 ans), il ne paraîtra qu’en 1985. Pour « Bandini » et « Demande à la poussière », les romans suivants, cela se passa mieux : fort de son aura de scénariste à Hollywood, Fante décrocha un contrat d’édition, mais les livres ne se vendirent pas.
Il fallut attendre la parution de ces romans en France dans les années 80 pour que le succès soit au rendez-vous. On est emporté par la cruauté, la tendresse de ces histoires. On voudrait éviter à Bandini  les chagrins, les gaffes, les claques de l'existence, de lui permettre de s'échapper de son univers pathétique (un père maçon, alcoolique, violent ; une mère pieuse, victime, presque folle), ce type entre deux eaux, « écartelé entre la tradition italienne et un désir forcené d’intégration » comme le rappelle Matthieussent.
Dan Fante
L’ironie du destin de John Fante voudra que ses difficultés relationnelles avec Nick, sa brute de père, se répètent avec Dan, son fils. Et Dan, comme John, s’éloignera de « l’enfer » familial. Comme John, il vivra d’abord de mille petits boulots. Comme John, il règlera ses comptes à travers l’écriture. Et, comme John, il apparaît dans ses romans à travers un alter ego, Bruno Dante. Les éditions 13e note s’attachent à rendre disponible en 2013 l’intégralité de l’œuvre de Dan Fante. On pourra s’initier à ces textes rageurs et tragi-comiques avec « En crachant du haut des buildings », où l’on voit Bruno Dante débarquer à New York pour tenter de s’affranchir de l’ombre du père Fante. Entre alcoolisme, jobs sans lendemain et aventures sexuelles, comment devient-on à son tour un grand écrivain ?
LIRE « Romans 1 : La Route de Los Angeles, Bandini, Demande à la poussière », John Fante, Christian Bourgois éditeur, 750 p., 22 €. « En crachant du haut des buildings », Dan Fante, 13 e note éditions, 208 p., 9,50 €.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire