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vendredi 31 mai 2013

Zweig, le jardinier d’un monde disparu


Publier du Stefan Zweig est, en France, synonyme de best-seller. Durant les dix dernières années, il aura été, avec Agatha Christie et Shakespeare, la meilleure vente dans le domaine des classiques étrangers. Quelques exemples ? « Le joueur d’échecs », sa dernière nouvelle, s’est écoulée à 1 million d’exemplaires. « La Confusion des sentiments » à 400.000. « Le Voyage dans le passé », publié en 2008 en édition bilingue aux éditions Grasset : 200.000 ex. et 100 000 en poche. Même sa fin romancée imaginée par Laurent Seksik, « Les derniers jours de Stefan Zweig », aura atteint les 100.000 ventes, auxquelles on ajoutera les 75.000 de l’adaptation en bande dessinée.
Autant dire que les éditeurs attendaient avec impatience le moment où toute l’œuvre de Stefan Zweig allait tomber dans ce qu’on appelle « le domaine public », qui survient 70 ans après la mort de l’artiste. Zweig s’étant suicidé au Brésil le 22 février 1942, l’heure est arrivée. Et deux volumineuses éditions viennent déjà de voir le jour. La collection « Bouquins » propose trente-cinq nouvelles de l’écrivain en un volume. Le livre est déjà un succès. Mais c’est surtout l’entrée de Zweig dans la prestigieuse collection de La Pléiade aux éditions Gallimard qui retient l’attention. 3000 pages pour rassembler l’intégralité des nouvelles, son unique roman (« L’Impatience du cœur », connu aussi sous le titre « La Pitié dangereuse »), deux romans inachevés, des « miniatures historiques », ainsi que son très subjectif récit autobiographique « Le Monde d’hier ».
Stefan Zweig
Comment expliquer un tel engouement alors que la qualité de l’œuvre de Zweig ne cesse d’être contestée ? Thomas Mann ou Bertolt Brecht, ses contemporains, trouvaient son style plutôt balourd. Un poète anglais parlait en 2010 de Zweig comme d’un « Pepsi de la littérature autrichienne ». En France, ses biographies ne figurent ni dans le volume de la collection Bouquins, ni dans ceux de La Pléiade. Aux oubliettes Marie-Antoinette, Magellan, Fouché, Freud ou Marie Stuart. Trop lyriques, pas assez rigoureuses aux yeux des universitaires. Même si, dans ce genre aussi, les lecteurs adorent.
Alors, pourquoi aime-t-on Zweig ? D’abord, parce que ses récits touchent droit au cœur. Il n’a pas son pareil pour décrire le basculement d’un destin : les passions sont brûlantes, les vies chancelantes, de petits bijoux de drames sentimentaux. Ensuite, comme l’explique Jean-Pierre Lefebvre dans sa préface à l’édition de La Pléiade, parce que le nom de Zweig, comme accroché aux soubresauts historiques de la première moitié du XXème siècle, est à la fois synonyme de tradition (« il reste jusqu’à la fin citoyen nostalgique de l’Empire austro-hongrois ») et de modernité (« il est l’un des grands arpenteurs du globe »). Enfin, on ne niera pas qu’une fin tragique vous transforme un artiste talentueux en personnalité culte. D’autres disparus en pleine gloire, Marylin ou James Dean, en savent quelque chose…
LIRE « Romans, nouvelles et récits », Stefan Zweig, éd. Gallimard, coll. La Pléiade, 2 tomes, sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre, 3000 p., 116 € (prix de lancement jusqu'au 16 août 2013
, puis 130 €).
« La confusion des sentiments et autres récits », Stefan Zweig, éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, 1280 p., 30 €.

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