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vendredi 8 février 2013

Les Sonnets de Shakespeare



154. Dans chacun des 154 sonnets de William Shakespeare, il y a, « le plus souvent masquée par la sagesse d’un sourire, une pépite d’émotion. » Ça, c’est le poète et traducteur expert de l’anglais Jacques Darras qui le dit. Il vient de s’attaquer à ce chef-d’œuvre de la littérature. Et sa traduction est épatante, à la fois tout en passion et en retenue. Ce n’est pas de la poésie qu’on lit, c’est de la musique – lyrique, audacieuse – qu’on entend.
William Shakespeare
Ces sonnets, tous de la même forme (trois quatrains couronnés de deux rimes en retrait – la « chute » du poème en quelque sorte), célèbrent certes l’amour, le désir d’enfant (et la nécessité d’en faire), le beau, la brièveté de la vie… mais ils continuent de fasciner par le mystère qu’ils recèlent. « Rien n’est aujourd’hui connu sur les destinataires des Sonnets », rappelle d’ailleurs Jacques Darras. On ne sait pas qui est « le beau jeune homme princier » des sonnets 1 à 126 (ceux de 1 à 17 l’exhortent à se marier et à avoir des enfants, ceux de 18 à 126 sont un chant d’amour que lui lance Shakespeare…), ni qui est « la dame noire » des sonnets 127 à 154.
Ces « Sonnets » devraient pourtant nous éclairer. Cette forme est traditionnellement le lieu de la confession pour les poètes. Mais pour Shakespeare, le secret reste entier. En 1609, quand paraît le livre, William a quarante-cinq ans, il lui reste sept ans à vivre. Le sonnet « est à l’époque tout sauf un amusement gratuit ». Si l’Angleterre vit sous le règne de Jacques Ier, l’ombre du paranoïaque Henri VIII plane encore. Le sonnet est devenu « l’art de la lettre masquée ». D’envoyer des messages codés. Surveillé de près, donc. Aucun risque pour Shakespeare : il ne fait pas de politique. Certes obsédé par la mort, il veut se fait enchanteur. Mais, au fond, il ne révèle rien de lui. Ça restera vrai jusqu’à sa mort : « Ne dérangez pas ma poussière » est-il écrit sur la dalle de  l’église paroissiale de la Trinité à Stratford, sous laquelle il est enterré.
Comme pour ces « Sonnets », les nouvelles traductions des monuments de la littérature sont en genre en plein boum. Sur Internet, l’éditeur Publie.net s’en est fait une spécialité, avec notamment neuf nouvelles versions, dont sept signées par le romancier François Bon, de classiques de science-fiction de Lovecraft (en téléchargement à 0,99 € pièce !). Les éditeurs traditionnels ne sont pas en reste, avec quelques beaux succès à la clé : Philippe Brunet et sa traduction de « L’Iliade » d’Homère aux éditions du Seuil : 6 000 exemplaires vendus en grand format (le livre est aujourd’hui disponible en poche chez Points) ; la nouvelle mouture de « L’Énéide » de Virgile signée Paul Veyne, ancien professeur au Collège de France : plus de 11 000 exemplaires (éd. Albin Michel-Les Belles Lettres). Et Gallimard vient de publier à 8 000 ex. « La comédie » de Dante revue par le poète et universitaire Jean-Charles Vegliante. Des traductions à la fois proches de l’original et qui, selon l’expression de Jacques Darras, « se fondent sans se dissoudre dans le vers français moderne. » Certainement, la clé pour nous séduire.
LIRE « Sonnets », William Shakespeare, édition bilingue, nouvelle traduction de Jacques Darras, éditions Grasset, 334 p., 20,90 €. En librairie le 13 février.

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