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vendredi 4 janvier 2013

Italie : le trio infernal et sa petite musique




Enrico Remmert
Tous trois sont de Turin. Vittorio, le violoncelliste hypocondriaque, doit se rendre à Bari, tout au Sud du pays, où il a décroché un engagement de plusieurs mois. Francesca, sa fiancée, a décidé de l’accompagner… pour lui annoncer qu’elle le quitte. Le voyage doit se faire en train, mais voilà que surgit Manu, leur amie, au volant de la « Baronne », une Punto munie de doubles commandes (Manu est monitrice d’auto-école). Manu vient de se prendre une raclée d’Ivan, son petit ami, et elle est bien décidée à se mettre à l’abri de ce fou furieux. En compagnie de Vittorio et Francesca.
Le périple se fera donc en voiture. Et, comme tout road-trip qui se respecte, ce « Petit art de la fuite » d’Enrico Remmert va offrir son lot d’obstacles improbables et/ou tragi-comiques à notre trio. C’est d’abord Ivan qui les poursuit sur l’autoroute au volant de son 4x4, furieux d’avoir été plaqué (et délesté d’une toile de maître). Plus tard, ce seront les leçons de sagesse d’un vieillard, quasi hypnotiques. Ou la visite hallucinante, sous la neige, d’un palais abandonné. Ou l’apparition d’un minibus Volkswagen quand la Baronne rendra l’âme.
Michela Murgia
Les déceptions, les coups du sort, les disputes vont se succéder. Vittorio a l’innocence et l’immaturité de ceux qui n’ont pas guéri de leurs blessures d’enfance, Francesca ne parvient pas à croquer la vie à pleines dents (voir l’extrait ci-dessous), Manu est tellement libre qu’elle ne sait que faire de sa liberté. La chance de ces trois-là est évidemment d’être ensemble, que chacun puisse, de temps à autre, permettre à l’autre de sortir la tête de l’eau.
Enrico Remmert doit être cinéphile, et connaît visiblement les classiques du road-movie sur le bout des doigts, de « Thelma et Louise » à « Easy Rider » en passant par « Western » ou « Priscilla, folle du désert ». Il faut être sacrément talentueux pour évoquer par l’écriture l’atmosphère envoûtante et fragile de ces voyages absurdes, où tout chavire et rien ne change vraiment. Son roman est notre premier coup de cœur de l’année 2013.
Autre trio italien, autre très beau livre avec « La guerre des saints » de Michela Murgia. Comme dans « Accabadora », son bouleversant premier roman paru en 2011 (et disponible à présent en poche), nous sommes en Sardaigne. A Crabas, plus précisément, « un gros bourg de neuf mille âmes ». Le trio, ce sont trois garnements d’une dizaine d’années : Giulio et Franco, les natifs du lieu… et Maurizio, qui n’y vient que l’été. A Crabas, Maurizio va apprendre à attraper des oiseaux avec de la glu, à manier la fronde, à exterminer des rats, à encaisser les histoires de fantômes racontées par les anciens… et découvrir ce que peut signifier la première personne du pluriel : nous.
Ce « nous », comme l’union des habitants. L’idée d’une communauté fraternelle, une idée qu’on croyait éternelle à Crabas. Jusqu’à ce que la création d’une nouvelle paroisse sème la zizanie. Deux paroisses, deux curés… et deux défilés pour la traditionnelle procession de la Rencontre. Les adultes en perdent la raison. Restent les enfants, et ce qu’ils peuvent avoir d’indomptable au fond des yeux.
LIRE « Petit art de la fuite », Enrico Remmert, éd. Philippe Rey, 240 p., 18 €.
« La guerre des saints », Michela Murgia, éd. du Seuil, 120 p., 15 €.

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