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vendredi 7 septembre 2012

Sexe, vidéo et… mensonges d’État

Le nouveau roman de Max Genève aurait pu s’intituler « Sexe, mensonges et vidéo » mais le titre avait été pris par Steven Soderbergh qui, en 1989, avait été découvert avec son premier film qui racontait la duplicité des hommes, et s’interrogeait sur le pouvoir des images. Max Genève fait de même dans « Virtuoses » (voir l'extrait), installant son intrigue entre l’Allemagne, le Moyen-Orient et sept villes des Etats-Unis, les mêmes (Boston en plus) et dans le même ordre que celles qu’on trouvait dans « Mes vies américaines », son recueil de nouvelles paru en 2003. Il faut croire, Max Genève en convient, qu’il n’en avait pas fini avec l’Amérique et, ajoute-t-il, « je me demande si j’en fini aujourd’hui. »
"Virtuoses" se termine le 11 septembre 2001
« Virtuoses », ce serait un mélange de Philip Roth et de John Le Carré. Le questionnement sur le sens de l’existence (et l’ironie du sort) couplé à une intrigue de haute précision dans les (hautes et muettes) sphères de la raison d’État. Des voix multiples se croisent, se répondent, pour mettre en scène un monde qui retient son souffle : celui de l’avant-11 septembre 2001. Un cinéaste européen, Peter Waltman, débarque pour la première fois aux States pour y réaliser un documentaire sur la jeune et célèbre violoniste Frederika Murray (qui finira bientôt dans son lit). Pendant ce temps, Willy Westermann, qui fut son coéquipier sur de nombreux tournages, est assassiné en Bavière.
Le tueur était un pro. La police cherche le mobile… qui pourrait avoir son origine au Moyen-Orient : Peter et Willy auraient-ils « filmé des scènes compromettantes pour de hauts responsables occidentaux de leurs rencontres avec des dirigeants arabes plus ou moins fréquentables ? » Evidemment, les services secrets américains, et autres officines, ne sont pas loin, un ancien de la CIA semble tirer certaines ficelles, les commissaires Lisa Eckmann et Ludwig Straub font leur travail, trop bien sans doute, leur enquête embarrasse le gouvernement allemand.
De tout cela, Peter a évidemment de nombreux échos, les policiers allemands traversent d’ailleurs l’Atlantique pour l’interroger. Mais il a d’autres préoccupations : il découvre l’Amérique. Il pensait garder de la distance, il n’en pense pas moins de ces impérialistes, et pourtant, il oscille rapidement entre fascination, admiration et dérision. Max Genève en profite pour glisser quelques remarques acides : on peut ainsi être démocrate dans l’âme, mais toujours voter républicain, « non par esprit de contradiction, mais parce que confier les rênes des affaires politiques aux pires individus était une garantie contre la déception ou le découragement. »
Qui sont alors les « Virtuoses » de Max Genève, la promesse du titre de son roman ? La virtuose au violon, c’est Frederika, prête à mourir pour sauver son instrument, un amati, « vestige de l’histoire de la musique ». Virtuose, chacun des personnages qui essaye d’avancer sans (trop) se perdre. Virtuose, enfin, ce pays incroyable que sont les Etats-Unis, mosaïque d’une vitalité étonnante, toujours porté à trop en faire. Virtuose, enfin, Max Genève lui-même qui donne à son vrai-faux thriller des allures d’opéra géopolitique, dans la maîtrise, l’empathie, la générosité.
LIRE « Virtuoses », Max Genève, Serge Safran éditeur, 400 p., 19,50 €.

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