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vendredi 4 octobre 2013

C’était un jour heureux, ou pas…


Toine Heijmans

Aux Pays-Bas, un homme prend la mer pour s’évader du quotidien de sa vie de bureau. C’est comme une nouvelle vie, une respiration, avec l’envie de revenir dans l’habit du héros, de mûrir sûrement, lui que sa femme trouve « encore trop enfant ». En oubliant, hélas, que « la mer ne peut pas être une amie. L’eau n’a ni sentiment ni histoire. » Il est parti pour trois mois, et Maria, sa fille de sept ans, le rejoint à bord pour la dernière étape. Ce devrait être la cerise sur le gâteau de ce beau périple. Mais…
Aux États-Unis, Holly, 33 ans, prépare le repas de Noël. Son mari est parti en catastrophe (ils se sont réveillés en retard) chercher les beaux-parents à l’aéroport. Tatiana, leur fille adoptive de quinze ans, dort encore et se fait visiblement tirer l’oreille pour venir aider sa mère. Holly ressent soudain le besoin d’écrire, pour parler notamment de ce « quelque chose [qui] les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux », depuis l’orphelinat où ils avaient cherché leur bébé, Tatiana. Tatiana qui, décidément, ne se lève pas…
Deux romans publiés ces jours-ci par le même éditeur, Christian Bourgois, dont les intrigues paraissent si différentes… et qui sont pourtant si semblables. Dans les deux cas, nous sommes en présence d’un huis-clos (sur un bateau/dans une maison isolée par la neige) où sont réunis un parent et son enfant unique (Donald, le père, et Maria/Holly, la mère et Tatiana) pour un événement qui semblait a priori heureux (deux jours sur un voilier/Noël). En fait, ces évènements vont se révéler à double tranchant : la mer est belle, certes, mais également pleine de dangers ; Noël est une fête, mais c’est aussi le moment où les fragilités remontent à la surface.
Laura Kasischke
Et ces adultes : Donald comme Holly vivent tous deux dans des environnements rassurants (de l’argent, un toit, une famille unie)… mais leur personnalité va, au fil des pages, partir en lambeaux. Leurs certitudes ne seraient-elles que du sable, leurs existences un château de cartes ? L’occasion pour les auteurs, le néerlandais Toine Heijmans (dont c’est le premier roman !) et l’américaine Laura Kasischke, d’écrire des passages forts sur la fragilité du « métier » de père et de mère, et sur le malaise de la vie moderne : toujours paraître impeccables et heureux…
Même la structure des deux récits est quasi identique, par l’utilisation de flashbacks avec, à l’arrivée, un retournement final des plus inattendus. Deux thrillers psychologiques, sans meurtres, mais à frissonner d’angoisse, à tourner les pages frénétiquement (un conseil : achetez les deux !). Où l’on découvre que la folie est une terrible gangrène, qui fait le miel de la littérature ou du cinéma, et ruine ses personnages. Car, oui, comme l’écrit Toine Heijmans, « parfois les gens inventent des choses pour mieux tout comprendre. » En échange de quoi, ils ne comprennent pas mieux, mais sont emportés, et leur entourage avec, dans le chaos.
LIRE « En mer », Toine Heijmans, Christian Bourgois éditeur, 160 p., 15 €.
« Esprit d’hiver », Laura Kasischke, Christian Bourgois éditeur, 278 p., 20 €.

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