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vendredi 12 avril 2013

Reconstruire après la tempête


Eric Genetet

Benjamin, l’ami d’Alberto, n’en revient pas : le couple de son ami, ce couple parfait que tout le monde enviait, cet amour de vingt ans entre Alberto et Isabella, elle animatrice de radio, lui photographe, un magnifique fils, Manuel, une maison à la campagne, ce couple modèle chavire. Alberto a longtemps cru que rien ne changerait, qu’ensemble avec Isabella ils ressentaient encore les mêmes choses, après toutes ces années, comme au premier jour quand il avait fait semblant de tomber dans les pommes pour attirer l’attention de cette belle jeune femme. Mais il va tomber de haut : Isabella lui annonce qu’elle part pour Bruxelles où elle a décroché un contrat d’un an (et un amant ?), Manuel part vivre aux États-Unis, et au travail rien ne va plus (et Éric Genetet, l’auteur, dresse un portrait au vitriol de la situation d’un célèbre quotidien dont le siège est à Strasbourg…).
Le pire reste à venir : il apprend enfin de la bouche de sa mère le secret des absences de son père, des semaines entières, quand il délaissait le domicile familial. C’en en trop pour un seul homme. La vie d’Alberto n’était-elle que pure chance ? Il perd pied, s’enfonce dans la mélancolie ou l’agressivité, sans trouver les mots pour se confier, pour se libérer. Il y aurait bien Lola, une jeune romancière. Mais… Ou un saut à New York. Et puis Isabella revient. Amoureuse comme au premier jour. On reprend comme s’il ne s’était rien passé ?
Éric Genetet dépeint minutieusement, usant de belles formules, le démon de midi qui assaille nombre d’hommes entrant dans la force de l’âge. Un monde s’en va, celui de l’enthousiasme, de la force, de l’innocence. Celui de la jeunesse. Il faut donc construire autre chose. Quitte à vouloir donner un grand coup de balai…
Marie Frering
Chez Marie Frering, autre romancière bas-rhinoise, le monde a aussi basculé, mais d’une toute autre manière. Naples a été vidée de ses habitants à la suite du passage d’un nuage toxique. Ils ne sont que quelques-uns à avoir refusé l’ordre d’évacuation, des « rats humains » qui s’étaient aménagés une sorte de paradis dans les incroyables souterrains qui grouillent sous la ville. Un labyrinthe de galeries creusées par les Romains, qui utilisaient le tuf volcanique sur lequel repose la cité pour extraire la roche nécessaire aux constructions. Au départ, ces êtres de l’obscurité sont trois : le padre Ciabatta (appelé aussi Schlappepater ou père Savate), un père des Missions françaises d’Afrique originaire d’Alsace, qui avait trouvé « chez les Napolitains ce qu’il avait aimé chez les Africains » ; Samuel, qui était venu d’Éthiopie cueillir des oranges en Italie, avant de déchanter ; et Gianni, le bâtard difforme d’une des plus puissantes familles mafieuses de Naples. Ce trio improbable va parcourir les grottes, et faire d’ahurissantes découvertes : humaines, avec, entre autres, deux enfants… islandais (!), ou métaphysiques. Car cette « Lumière noire », roman rythmé par les cartes du Tarot de Marseille et tenu par la très belle plume de Marie Frering, est aussi une réflexion sur le sacré et le pouvoir. En un mot comme en cent : sur ce qui fait courir l’humanité depuis la nuit des temps.                              
LIRE « Et n’attendre personne », Éric Genetet, éd. Héloïse d’Ormesson, 156 p., 15 €.
« Lumière noire », Marie Frering, éd. Kyklos, 148 p., 15 €.

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