Ils s’appellent Brandon (quel macho, celui-là), Papy King,
Blanche, Poupette, le Ténébreux, Rose, d’autres encore. En fait ils ne portent pas vraiment ces
noms-là, à l’époque où ils vivaient on ne portait pas de nom. Ils ont été
baptisés par l’une d’entre eux, La Grande, qui tient son journal intime et parle
pour tous les membres de cette improbable tribu. Nous tenons entre les mains le
récit plus vrai que nature, et pourtant totalement réinventé, d’une
Néandertalienne embarquée avec sa communauté dans une survie sur le fil, une
vie de coups et de bosses racontée sur un mode jubilatoire.
Un voyage dans le temps, donc. L’homme de Néandertal
aurait vécu entre 250 000 et 28 000 avant notre ère. Ici, nous sommes vers la
fin de cette époque, vers 43 000-45 000 avant notre présent, au moment d’un événement
fondamental : la rencontre de ces Néandertaliens, qui se croyaient seuls
au monde, avec l’homme de Cro-Magnon, ces « Sapiens », plus grands,
plus « humains », et qui débarquent en Europe en provenance de leur
Proche-Orient d’origine après avoir bourlingué pendant quelques milliers
d’années.
La Grande, comme toute sa bande d’ailleurs, n’y comprend
pas grand-chose, à ces « Zigues », comme elle les appelle. Ça la
chamboule dans ses habitudes, les rituels de cette communauté de chasseurs-cueilleurs
nomades. On change de grotte de temps à autre, on porte des peaux de bison, on
se coiffe entre copines, on se nettoie les ongles (voir l’extrait ci-dessous), on
mange parfois les autres, on taille des silex, on ramasse des tas de plantes,
notamment des baies d’airelles avec laquelle on fait une boisson qui saoule
tout le monde. On fait de l’art sans s’en rendre compte. Et même si tout le
monde est un peu « multitâche », les femmes s’occupent du ménage de
la grotte, et ça fait râler La Grande.
Marylène Patou-Mathis et Pascale Leroy ©Astrid di Crollalanza |
C’est d’ailleurs une première : jamais un récit
préhistorique n’avait mis la femme à l’honneur. Et quelle femme ! La lire,
c’est l’adopter ! Bravo aux auteurs, la romancière Pascale Leroy (ses
formules sont un bonheur) et la Docteur en préhistoire Marylène Patou-Mathis
(qui garantit la rigueur scientifique). On apprend que ces Néandertaliens,
qu’on a tant dépeint comme frustes, étaient composés de groupes étonnamment
modernes, plutôt baba-cools. Pas vraiment une famille, au sens classique du
terme, mais une meute où tout le monde allait avec tout le monde, un monde sans
propriété, un monde de partage, quelque chose qui est propre encore aujourd’hui
à une vie collective en perpétuelle migration.
Enfin, ce livre aussi réjouissant qu’instructif - parfait livre d’été, donc - nous rappelle que
nous ne sommes pas l’aboutissement, mais une étape… qui aurait tort de mépriser
les autres échelons de l’évolution. Et l’autre, en général.
LIRE
« Madame de Néandertal, journal intime », Pascale Leroy, Marylène
Patou-Mathis, NiL éditions, 266 p., 19 €.
Autre roman écrit à quatre mains entre un paléontologue
et une romancière, « Tahül et les pierres de foudre » de Henriette
Chardak et Henry de Lumley (éd. de l’Archipel, 400 p., 21 €), raconte la survie
près de la grotte de Tautavel, dans les Pyrénées, il y a 450 000 ans d’une
force de la nature (Tahül) et un « petit prince » préhistorique,
Ékorss.
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