C’est un p’tit gars de Belfast, une légende, le meilleur, the best, c’était écrit dans son nom : Best. George Best. « Les hommes voulaient être George Best, les femmes voulaient George Best » écrit Vincent Duluc, le responsable du foot au quotidien L’Équipe, dans un roman hommage qui tordra le cou aux esprits chagrins qui pensent encore qu’être journaliste sportif c’est manier le verbe à la truelle. En voilà du style, de la formule, de la sensibilité, de l’émotion.
George Best |
George Best. Il était « né avec, la vitesse,
l’équilibre, le don ». Repéré par Manchester United, il atterrit là-bas
sans avoir ni le physique de l’emploi (un gringalet tout sec), ni le mental, ni
le charisme qu’on attend d’un futur pro. Mais il s’impose, dès ses premières
apparitions : « de la glace dans les veines, de la chaleur dans le cœur,
du génie dans les pieds. » Lui, l’enfant d’Ann, ouvrière dans une fabrique
de cigarettes, et de Dickie, employé sur les chantiers navals, quand il a
entendu le bruit de la foule, il a « compris qu’il ne serait nulle part
aussi vivant. » Il arrivait au bon moment : le siècle
basculait : « les Beatles fournissaient la musique et George
s’occupait de la chorégraphie. » L’Angleterre ne sera plus jamais la même.
S’il avait appris assez rapidement le jeu, comment lui
apprendre la vie, lui « qui n’allait pas vivre la même que les
autres ». Au foot, y’a le coach. Dans la vie, y’a personne. Plus on passe
de temps à tutoyer les sommets, et plus on est seul
. Des vies, il va en vivre cent, des femmes, il va en connaître mille (il était cet « homme qui retrouvait son équilibre quand il s’envolait. »), entraînant le pays tout entier dans la chronique « des flamboyances, des excès et des yeux violets de ce beau brun qui n’avait jamais sommeil. » Il signe des exclusivités avec des journaux, il est le premier à gagner beaucoup plus d’argent avec ses contrats publicitaires qu’avec ses revenus de footballeur. La première popstar du ballon rond.
Vincent Duluc ©Julien Falsimagne |
Il tenait ce qu’il disait : « Je veux être le
meilleur, que personne ne marque plus que moi, ne boive plus que moi, n’ait
plus de femmes que moi, sur tous les terrains, je suis le dernier homme
debout. » Mais les hommes ne sont pas des dieux, du moins pas
éternellement. Vincent Duluc raconte admirablement et tristement le moment où
la pente se fait descendante, cet instant qu’on ne voit pas venir, ou qu’on
fait semblant de ne pas voir. Le génie devient ingérable, l’entraîneur ferme
moins les yeux, un jour il ne vous met pas sur la feuille de match, on annonce
qu’on met un terme à sa carrière… et on se retrouve à jouer aux États-Unis. On
se marie, deux fois, on fait un enfant, mais on continue de boire, d’ennui sans
doute. La cirrhose menace de vous emporte. On vous greffe un foie. On se pourtant
remet à boire, surtout qu’on est devenu, de retour en Angleterre, propriétaire
d’un pub. Le corps crie grâce, lentement, inexorablement, douloureusement.
George Best s’éteint le 25 novembre 2005. Devant le stade d’Old Trafford,
l’hommage de Manchester et du pays tout entier s’étire sur un kilomètre. Les
caméras zooment alors sur un tee-shirt : « Maradona Good, Pelé
Better, George Best. »
LIRE « Le
cinquième Beatles », Vincent Duluc, éditions Stock, 230 p., 18,50 €.
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