Lire Etgar Keret est toujours la promesse de se tapir
dans un monde à la fantaisie vitaminée. Mais le dernier ouvrage de l’auteur israélien
déroge à l’habitude en scrutant le quotidien bien réel des sept années qui se
sont écoulées entre la naissance de son fils et la mort de son père. Une colère
dans un taxi, une alerte à la bombe, des rencontres dans un avion, la pratique
du yoga et du Pilates, les transgressions de son enfant, la maladie de son
père, la rencontre rocambolesque de ses beaux-parents, les tournées littéraires
à l’étranger, un passage dans sa maison à Varsovie…Tous ces moments, qui
pourraient n’être qu’anecdotiques, s’enfilent aussi facilement qu’une rangée de
perles, prétextes à une réflexion légère ou plus profonde sur la vie comme elle
va et comme elle pourrait aller autrement. Remarquable leçon d’humilité que ces
saynètes jouant avec l’humour, l’ironie
ou l’émotion.
LIRE « Sept
années de bonheur », Etgar Keret, éditions de l’Olivier, 197 p., 18 €.
Comment
une jeune femme a-t-elle pu se retrouver traînée dans la boue puis convoyée
comme un vulgaire cadavre vers une ferme dans laquelle elle doit vivre ses
derniers jours, avant sa décapitation ? À quoi bon vivre encore dans un
monde d’injustice quand l’heure de la fin est connue ? Ce premier roman
d’une jeune Australienne se base sur des faits réels : en Islande, au
début du XVIIIe siècle, le meurtre de deux hommes et l’incendie de leur ferme
par trois individus, dont deux sont reconnus coupables et condamnés à morts.
L’un d’eux est la jeune Agnès, dont la voix s’immisce régulièrement dans le
récit de cette éprouvante vie de paysans, en écho aux échanges qu’elle nourrit
avec le pasteur qui la prépare à son funeste sort. Peu à peu, le lecteur
découvre la vérité et, contre toute attente, l’humanité des relations. Un roman
âpre qui distille lentement sa force, qui étreint véritablement le lecteur.
LIRE « À la
grâce des hommes », Hannah Kent, éd. Presses de la cité, 393 p., 21 €.
Un homme tue
de sang-froid un industriel allemand très en vue, laisse exploser sa violence
sur le cadavre, ne s’enfuie pas : il reconnaît les faits mais refuse de
s’expliquer. Son avocat commis d’office s’empare du dossier, persuadé que le
cas le propulsera sur le devant de la scène judiciaire. Certes, mais peut-on
assurer la défense de l’assassin de celui qui fut le grand-père de son meilleur
ami, avec qui l’on a appris à pêcher et à jouer aux échecs ? Questions
bien plus épineuses pour le jeune avocat qui mène l’enquête : l’assassin
n’est-il pas la victime, la victime n’est-elle pas un assassin ? Dans ce court
– trop court peut-être - roman de l’écrivain-avocat Ferdinand von Schirach, le
droit et la morale s’affrontent dans une relecture de l’histoire et des crimes
nazis. Un plaidoyer efficace pour affronter les stigmates encore présents du
passé hitlérien dans l’appareil d’État allemand.
LIRE « L’affaire Collini », Ferdinand
von Schirach, éd. Gallimard, 150 p., 16,90
€.
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