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vendredi 30 août 2013

La mélancolie de l’état des lieux



Le départ est fixé au 27 mars 2012. Une équipe de télévision va suivre Amélie Nothomb sur le chemin de ses souvenirs. Elle n’a plus mis les pieds au Japon depuis 1996. Seize ans sans Japon. Partir tombe bien : « J’étais à cette époque à un stade de mon cerveau où je valais moins que rien » Elle sentait qu’elle avait « besoin d’être sauvée. » De quoi ? Mystère. Mais, en même temps, elle a peur de ces retrouvailles. Avec raison. Elle va renouer avec Nishio-san, sa nounou, sa deuxième maman, ce sera un pur moment d’émotion, tout le monde pleure. Elle revoit son école maternelle. Revient à Kyoto, une ville d’une « mixture inimaginable », à Tokyo et « son explosion parfaitement maîtrisée ». Retrouve Rinri, l’amoureux de ses vingt ans, le héros de « Ni d’Eve ni d’Adam », épanoui, beau comme autrefois, souriant, il a désormais quarante-trois ans, il crée et fabrique des bijoux, des chaussures, des vélos. Amélie découvre Fukushima et y apprend, dans sa chair, la signification du mot « apocalypse ».
Heureusement, de retour à Tokyo, les cerisiers sont en fleurs, dans un parc elle accède à une forme d’accomplissement supérieur, le kenshō. Prise d’une nostalgie heureuse, elle peut enfin « regarder en arrière sans crainte ni regret. » Et rentrer en France. Et trouver les mots pour ce voyage. Ce n’est pas tant de la littérature que du journalisme littéraire, mais Amélie Nothomb emporte le morceau grâce à la simplicité et à la sincérité de son récit.
Éblouissant et limpide, Arnaud Cathrine, ou du moins son double Aurélien Delamare, remet également ses pas dans les traces de sa jeunesse. La maison familiale est à vendre, c’est à lui qu’échoit la corvée de la faire visiter, juste une affaire de 48 heures en Normandie avant de revenir se pelotonner dans l’agitation parisienne. Mais les racines, qu’on croyait rompues, s’accrochent à lui. Ainsi de l’agent immobilier chargé de la vente, Hervé, un ancien camarade d’école. Enfin… camarade, c’est vite dit. Hervé et son acolyte Benoît avaient fait d’Aurélien leur souffre-douleur au collège. Il avait su, au contraire, les amadouer, en faire ses alliés au lycée. Hervé a fait son bonhomme de chemin, bon job, belle petite famille. Et Benoît ? Benoît est mort, après de longs séjours psychiatriques. Hervé raconte ce qu’il sait, mais il plane comme un goût d’inachevé.
Sans trop savoir pourquoi, Aurélien décide de prolonger son séjour. Il boit trop, mène une vie effondrée alors qu’il devrait être à Paris en pleine promo de son dernier roman. Il accepte de garder pour une semaine la petite Michelle, l’enfant de son ex-Junon. Michelle, c’est comme un rayon de soleil. Elle a peur de tant de choses, il la protège de tout. Et lui, le reclus de Normandie, sait-il se protéger avec son éternel masque de garçon bien élevé ? Pourquoi baisse-t-il la tête face à Cyrille, son odieux grand frère ? Pourquoi l’amour lui glisse-t-il entre les doigts ? « Vous croyez qu’on a plusieurs vies ? » lui demande Myriam, la veuve de Benoît, venue lui confesser un incroyable secret. Il sourit, il ne sait pas.
LIRE « La nostalgie heureuse », Amélie Nothomb, éd. Albin Michel, 160 p., 15,60 €.
« Je n’ai rien retrouvé », Arnaud Cathrine, éd. Verticales, 230 p., 17,90 €.

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