Jusque-là, il n’y avait aucune raison pour que Jean-Paul Didierlaurent
fasse la une des journaux. Il vivait tranquillement à La Bresse, marié et père
de deux grands enfants, travaillait chez Orange à Épinal et, à ses heures
perdues, écrivait. Des nouvelles. Remarquées. Mais bon, on sait qu’en France,
la nouvelle se diffuse hélas dans un relatif anonymat.
Mais cette « petite » reconnaissance lui ouvre
les portes d’une résidence d’auteur de trois mois dans le Gard. Trois mois, le
temps de passer à la longueur supérieure, celle du roman. Il envoie son
manuscrit là où il a été hébergé, aux éditions du Diable Vauvert, sises
justement dans le Gard. Le texte est accepté, l’éditeur le propose à ses
confrères étrangers avant même une sortie en France… et le miracle
s’accomplit : « Le Liseur de 6h25 », premier roman d’un parfait
inconnu, est acheté dans 25 pays ! Depuis, Jean-Paul Didierlaurent ne
quitte plus son nuage que pour répondre à des interviews en télé, radio ou pour
la presse écrite ou pour dédicacer son livre en librairie (à Colmar demain
samedi).
Jean-Paul Didierlaurent |
Un conte de fées parfaitement mérité. Dès la première
page de ce « Liseur de 6h27 », le charme opère. Le cadre est
parfaitement sinistre, les personnages gris et malheureux… et pourtant
l’ensemble vous rend immanquablement plus heureux. Qui sont ces gens ? Des
êtres malmenés, voire brisés, par la vie, se redressent par la rencontre et le
partage. Et vont retrouver le sourire, un espoir, une raison de vivre. Guylain
Vignolles, le héros, aurait adoré se prénommer Lucas, Xavier ou Hugo. Ou même
Ghislain. Mais il est Guylain Vignolles et, depuis tout petit, on le moque avec
« la contrepèterie assassine » : Vilain Guignol. Et toute son
existence est de cette eau : c’est un raté. Il vit seul, ou presque (avec
un poisson-rouge), et s’abrutit de fatigue au milieu du bruit et de la crasse
dans une usine de recyclage de papier, avec un chef qui ne sait qu’aboyer. Mais
ce paysage au plafond si bas est troué de quelques éclaircies : Yvon, le
gardien de l’usine, qui ne parle qu’en alexandrins ; Giuseppe, le collègue
et ami, aujourd’hui replié chez lui après avoir eu les jambes déchiquetées par
la broyeuse de papier ; et, surtout, par ces matins, dans le RER, où
Guylain lit à haute voix des extraits de livres, des feuillets qu’il a arrachés
à la machine.
Une vie étrange, entre monotonie, désespérance et grains
de folie. Qui va basculer avec deux événements : Guylain va être ravi, à
tous les sens du terme, par deux mamies, des fans de ses lectures à voix haute,
qui vont le persuader de venir déclamer dans leur maison de retraite. Et la
découverte par Guylain, un matin dans le RER, d’une clé USB égarée… sur
laquelle se trouve le journal de bord de la dame pipi d’un centre commercial de
la périphérie parisienne. Ce qu’il lit le transporte. Ce texte est unique.
Cette femme, la vie ne l’a pas gâtée. Comme pour lui. Cette femme, il en tombe
amoureux. Mais elle n’a pas laissé d’adresse. Comment la retrouver ?
LIRE « Le
Liseur du 6h27 », Jean-Paul Didierlaurent, éditions Au Diable Vauvert, 224
p., 16 €.
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