"Virtuoses" se termine le 11 septembre 2001 |
« Virtuoses », ce serait un mélange de Philip Roth
et de John Le Carré. Le questionnement sur le sens de l’existence (et l’ironie
du sort) couplé à une intrigue de haute précision dans les (hautes et muettes)
sphères de la raison d’État. Des voix multiples se croisent, se répondent, pour
mettre en scène un monde qui retient son souffle : celui de l’avant-11
septembre 2001. Un cinéaste européen, Peter Waltman, débarque pour la première
fois aux States pour y réaliser un documentaire sur la jeune et célèbre
violoniste Frederika Murray (qui finira bientôt dans son lit). Pendant ce
temps, Willy Westermann, qui fut son coéquipier sur de nombreux tournages, est
assassiné en Bavière.
Le tueur était un pro. La police cherche le mobile… qui
pourrait avoir son origine au Moyen-Orient : Peter et Willy auraient-ils
« filmé des scènes compromettantes pour de hauts responsables occidentaux
de leurs rencontres avec des dirigeants arabes plus ou moins
fréquentables ? » Evidemment, les services secrets américains, et
autres officines, ne sont pas loin, un ancien de la CIA semble tirer certaines
ficelles, les commissaires Lisa Eckmann et Ludwig Straub font leur travail,
trop bien sans doute, leur enquête embarrasse le gouvernement allemand.
De tout cela, Peter a évidemment de nombreux échos, les
policiers allemands traversent d’ailleurs l’Atlantique pour l’interroger. Mais
il a d’autres préoccupations : il découvre l’Amérique. Il pensait garder
de la distance, il n’en pense pas moins de ces impérialistes, et pourtant, il
oscille rapidement entre fascination, admiration et dérision. Max Genève en
profite pour glisser quelques remarques acides : on peut ainsi être démocrate
dans l’âme, mais toujours voter républicain, « non par esprit de
contradiction, mais parce que confier les rênes des affaires politiques aux
pires individus était une garantie contre la déception ou le découragement. »
Qui sont alors les « Virtuoses » de Max Genève, la
promesse du titre de son roman ? La virtuose au violon, c’est Frederika, prête
à mourir pour sauver son instrument, un amati, « vestige de l’histoire de
la musique ». Virtuose, chacun des personnages qui essaye d’avancer sans
(trop) se perdre. Virtuose, enfin, ce pays incroyable que sont les Etats-Unis,
mosaïque d’une vitalité étonnante, toujours porté à trop en faire. Virtuose, enfin,
Max Genève lui-même qui donne à son vrai-faux thriller des allures d’opéra
géopolitique, dans la maîtrise, l’empathie, la générosité.
LIRE « Virtuoses », Max Genève, Serge
Safran éditeur, 400 p., 19,50 €.
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