Avec des centaines de ficeleurs qui font de même, Cheng
ficelle des bottes d’asperges à la chaîne dans son lointain pays. Il est
champion dans ce domaine. Il ne sait pas lire mais il s’y entend pour compter.
Il ne comptait pas quitter ses champs d’asperges et les siens. Mais un jour il
est enfermé dans un conteneur et emporté au diable. Il découvre un monde nouveau,
un monde qui ressemble fort au nôtre, où le mot d’ordre est de consommer à tout
va. Là, on ne consomme pas que des asperges par les deux bouts, on consomme des
médicaments, on consomme de l’information, on consomme des voyages par
n’importe quel bout. Et quand on part en voyage, l’important n’est pas de
choisir sa destination, l’important est de payer le prix le plus bas. C’est le
royaume du bonheur bas de gamme et de l’attrape-nigaud. Très joli conte, à peine
prémonitoire, sur le monde qui compte et finalement ne compte pas.
LIRE « Le
monde selon Cheng », Stéphane Reynaud, éd. Intervalles, 91 p., 14 €.
Carcasses
Soutine et Rembrandt ont-ils
mis autant de souffrance dans leurs bœufs écorchés, leurs volailles
pendues ? Autant de désespoir devant la déchéance des corps et
l'inconsistance des vies ? 180 jours, six mois, c'est le temps accordé à
ces milliers de porcs dans la pénombre de l'élevage. Pour la cause d'un
séminaire, un universitaire plonge dans leur enfer. Conception, gestation,
maternité, post-sevrage, engraissement, l'industrie de la viande. Des bêtes
succombent à la folie, certaines se suicident ou sacrifient leurs petits. Les
hommes et les femmes qui les entourent, aussi. Il y a de l'humain dans l'œil
d'une truie. Et quand les camions partent pour l'abattoir qu'ils appellent
L'Outil, la patte qui dépasse est insoutenable. Histoire horrible emportée par
un grand dernier souffle. Vaut-il mieux végétarien que carnivore ? Ce
n'est même pas la question. Celle qui vient : y a-t-il moyen de vivre une
fois qu'on sait ça ?
LIRE
« 180 jours», Isabelle Sorente, éd. JC Lattès, 460 p., 20 €.
Au service du culte
Magouille, embrouille, carabistouille et repaires de
couilles. Ouille ouille et cornegidouille, c’est Rabelais dans Sodome et
Gomorrhe ce truc-là. A titre d’avertissement au lecteur, une couverture
racoleuse où cohabitent la croix et le croissant, l’auréole et les aréoles et
le goupillon en érection pour la bénédiction. A l’intérieur, ça tire dans
toutes les directions. Introduction : une affaire de tournages pornos, ça
tourne mal et on pénètre dans le vif du sujet. Développement : le branle-bas
d’une petite société bourgeoise et provinciale partie pour s’embarquer dans une
neuvième croisade (voler au secours de la civilisation catholique menacée
par la poussée coranique). On frôle par moments le verset satanique, mais ces
tartarinades sont à prendre à la rigolade. Conclusion : n’entrer dans
cette histoire qu’à condition de ne rien croire et surtout pas pour boire le
calice jusqu’à la libido.
LIRE « Le
pourboire du Christ », Ludovic Roubaudi, éd. Le Dilettante, 320 p., 20 €.
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