Chez Franck, c’est classe moyenne et père facho. Chez Billie, c’est quart-monde et maltraitance à tous les étages, un univers qui serait « comme un tatouage raté, cette merde, à moins de te couper le bras, tu te le coltines jusqu’à ce que les vers le bouffent ». Billy, c’est la fille que personne ne calcule, jamais. Nulle à l’école, nulle en copains, nulle en estime de soi. Franck, c’est à peine moins pire. Au détour d’un atelier théâtre, ces deux éclopés de la vie se retrouvent à devoir jouer en public (!) un extrait d’ « On ne badine pas avec l’amour » d’Alfred de Musset. Billie sera Camille, une « petite bourge » qui sort du couvent et va se faire « bouffer par son orgueil », et Franck sera Perdican, le cousin de Camille, avec qui il est censé se marier… et ça ne se fera pas. Le théâtre – et leur triomphe le jour de la représentation – fait, pour ces deux-là, l’effet d’une double révélation : primo, ils découvrent qu’il est possible d’être respecté ; deuzio qu’ils forment un duo chaotique et inséparable. Ils en feront plus tard l’expérience à Paris ou dans Cévennes. Un amour/amitié, à la vie, à la mort…
Billie est une désespérée, épuisante et déglinguée, qu’on
peut adorer et détester dans la même minute. Un cas. Anna Gavalda en fait
l’héroïne de toutes les « folles » de la Terre, que la société
voudrait faire marcher avec des semelles de plomb, et qui ne rêvent que
d’étoiles. On s’attache, certes, mais on s’agace aussi de nombreuses longueurs
et facilités de langage, ce verbe cru et « djeuns » de Billie qui
sonne hélas souvent faux.
Hélène est aussi une « folle », la folle
d’Arnaud Friedmann. En 1978, alors qu’elle séjournait aux États-Unis en tant
que fille au pair, elle s’est retrouvée enceinte… après une nuit d’amour avec
le tennisman John McEnroe. Julien, l’enfant de cette étreinte gardée secrète
(ou fantasmée ?), a grandi à Besançon, et est devenu une valeur sûre du
tennis régional. Pas davantage.
Arnaud Friedmann |
Depuis une confidence de sa mère, alors qu’ils
regardaient ensemble à la télé Lendl battre McEnroe à Roland-Garros en juin
1984, il est le seul à connaître l’identité de son père. Pas facile de se
forger une personnalité dans un tel flou. Surtout quand sa mère s’étiole et se
noie dans une dépression de plusieurs années. Heureusement, Julien est entouré
de parents de substitution, d’un amour d’enfance, et de Damien, son ami qui est
aussi son partenaire et rival sur les courts. Julien se construit avec des
« rêves d’un gosse sans père. » Un colosse aux pieds d’argile. Qui
apprend à séduire, et à maîtriser certains accès de brutalité.
Même si les amateurs de tennis seront ici aux premières
loges, il n’est pas nécessaire de s’intéresser ou de pratiquer ce sport pour se
délecter de la délicate et habile toile que tisse Arnaud Friedmann pour parler
de filiation. Si McEnroe était, à son époque, le « méchant », le
« bad boy » du tennis, il enchantait aussi par son jeu unique, si
spectaculaire. Nos enfants, c’est pareil : on leur pardonnera toutes leurs
bêtises, à condition qu’ils nous éblouissent.
LIRE
« Billie », Anna Gavalda, éditions Le Dilettante, 224 p., 15 €.
« Le tennis est un sport romantique », Arnaud
Friedmann, éditions J.-C. Lattès, 284 p., 17 €.
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