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vendredi 18 octobre 2013

Drôle de duo pour une histoire d’amour


C’est une drôle de rencontre il y a deux ans sur Facebook. Entre deux êtres, « inaptes à l’amour durable et partagé », et qui vont se renifler, s’accepter, conclure un « pacte de partenariat ». Elle c’est Chloé Delaume, elle est écrivain, personnalité radicale, « crevarde bipolaire et ex-pute » comme elle l’écrit elle-même. Lui, c’est Daniel Schneidermann, le célèbre spécialiste de la critique des médias, créateur à la télé puis sur internet d’« Arrêt sur images ». À 53 ans, il traîne derrière lui « une carrière amoureuse qui ne ressemble plus à rien, deux mariages et un Pacs, […] et pour finir un champ de ruines."
Chloé Delaume et Daniel Schneidermann

Elle est peut-être l’écrivain qu’il rêvait d’être. Lui est peut-être l’homme (l’épaule) contre lequel elle rêvait de s’appuyer. À quatre mains, ils décident d’écrire un livre dont le point de départ est un drame familial : Chloé avait dix ans quand son père a tué sa mère et retourné l’arme contre lui. Ce père était libanais, et son frère – l’oncle de Chloé Delaume – est Georges Ibrahim Abdallah, prisonnier politique en France, et qui fut un temps l’ennemi public n°1, accusé notamment d’attentats au cœur de Paris dans les années 80. Ironie du sort : Daniel Schneidermann couvrait alors ces événements pour le journal Le Monde.
Chloé/Daniel. Deux trajectoires qui se rejoignent avec, au-delà de leur histoire d’amour, ce désir d’écrire ensemble ce roman-enquête pour remonter à la source de la violence dans la famille de Chloé Delaume, le Liban, où elle n’a plus mis les pieds depuis 30 ans. Avec lui, elle se dit qu’il est possible de se confronter à son passé. Lui est amoureux de Chloé, alors il veut bien l’accompagner dans cette aventure, et un journaliste de son espèce frétille à l’idée de se rendre dans l’œil du cyclone du Proche-Orient. Ce sera leur été 2012, à Kobayat, tout près de la frontière syrienne.
Mais, dans leur livre - original, singulier, d’une sincérité presque désarmante -, avant d’arriver à la partie du Liban, il faut passer de nombreux chapitres pas si secondaires que ça. Nos deux tourtereaux veulent éclairer les enjeux du voyage. Pour connaître les deux personnages. Par exemple, l’adolescence de Chloé (après le décès de ses parents elle fut recueillie par un oncle et une tante racistes). Et d’aborder la question de toutes les violences, physique certes, mais surtout morale : en quoi les mensonges ou la domination détruisent des vies.
Au Liban, enfin, nous découvrons une famille, une vraie famille, une famille (étonnamment ?) sympa. « Des vivants, des fantômes, des os devenus du verre. […] Un clan c’est des valeurs autour d’un patronyme. Quelques membres sont manquants, cautériser les gouffres est parfois compliqué. » Chloé, elle, éparpillée par la tragédie de son enfance, n’a jamais voulu enfanter. Et là, elle se retrouve face aux chaînons présents de son histoire. Ceux qui ont dit : oui, malgré les guerres, malgré les plaies, on continue, on conçoit une nouvelle génération. C’est un peu « Alice au pays des merveilles » au royaume de la déglingue. On peut aussi se reconstruire ainsi.
LIRE « Où le sang nous appelle », Chloé Delaume, Daniel Schneidermann, éditions du Seuil, 370 p., 21 €.


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