Toine Heijmans |
Aux Pays-Bas, un homme prend la mer pour s’évader du
quotidien de sa vie de bureau. C’est comme une nouvelle vie, une respiration,
avec l’envie de revenir dans l’habit du héros, de mûrir sûrement, lui que sa
femme trouve « encore trop enfant ». En oubliant, hélas, que « la mer ne peut
pas être une amie. L’eau n’a ni sentiment ni histoire. » Il est parti pour
trois mois, et Maria, sa fille de sept ans, le rejoint à bord pour la dernière
étape. Ce devrait être la cerise sur le gâteau de ce beau périple. Mais…
Aux États-Unis, Holly, 33 ans, prépare le repas de Noël.
Son mari est parti en catastrophe (ils se sont réveillés en retard) chercher
les beaux-parents à l’aéroport. Tatiana, leur fille adoptive de quinze ans,
dort encore et se fait visiblement tirer l’oreille pour venir aider sa mère.
Holly ressent soudain le besoin d’écrire, pour parler notamment de ce
« quelque chose [qui] les avait suivis depuis la Russie jusque chez
eux », depuis l’orphelinat où ils avaient cherché leur bébé, Tatiana. Tatiana
qui, décidément, ne se lève pas…
Deux romans publiés ces jours-ci par le même éditeur,
Christian Bourgois, dont les intrigues paraissent si différentes… et qui sont
pourtant si semblables. Dans les deux cas, nous sommes en présence d’un
huis-clos (sur un bateau/dans une maison isolée par la neige) où sont réunis un
parent et son enfant unique (Donald, le père, et Maria/Holly, la mère et
Tatiana) pour un événement qui semblait a priori heureux (deux jours sur un
voilier/Noël). En fait, ces évènements vont se révéler à double
tranchant : la mer est belle, certes, mais également pleine de
dangers ; Noël est une fête, mais c’est aussi le moment où les fragilités
remontent à la surface.
Laura Kasischke |
Et ces adultes : Donald comme Holly vivent tous deux
dans des environnements rassurants (de l’argent, un toit, une famille unie)…
mais leur personnalité va, au fil des pages, partir en lambeaux. Leurs
certitudes ne seraient-elles que du sable, leurs existences un château de
cartes ? L’occasion pour les auteurs, le néerlandais Toine Heijmans (dont
c’est le premier roman !) et l’américaine Laura Kasischke, d’écrire des
passages forts sur la fragilité du « métier » de père et de mère, et
sur le malaise de la vie moderne : toujours paraître impeccables et
heureux…
Même la structure des deux récits est quasi identique,
par l’utilisation de flashbacks avec, à l’arrivée, un retournement final des
plus inattendus. Deux thrillers psychologiques, sans meurtres, mais à
frissonner d’angoisse, à tourner les pages frénétiquement (un conseil :
achetez les deux !). Où l’on découvre que la folie est une terrible
gangrène, qui fait le miel de la littérature ou du cinéma, et ruine ses
personnages. Car, oui, comme l’écrit Toine Heijmans, « parfois les gens
inventent des choses pour mieux tout comprendre. » En échange de quoi, ils
ne comprennent pas mieux, mais sont emportés, et leur entourage avec, dans le
chaos.
LIRE « En
mer », Toine Heijmans, Christian Bourgois éditeur, 160 p., 15 €.
« Esprit d’hiver », Laura Kasischke, Christian
Bourgois éditeur, 278 p., 20 €.
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