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vendredi 10 octobre 2014

Robert Sabatier, la gloire et les chagrins



Le grand public l’a découvert avec « Les Allumettes suédoises », le premier des huit volumes de la saga d’Olivier, un immense succès. Des millions d’exemplaires vendus à travers le monde. Robert Sabatier, lui, aurait préféré être reconnu pour sa poésie. Il était membre de l’Académie Goncourt, éditeur, critique littéraire. On découvre dans ses Mémoires, joliment et tristement intitulées « Je vous quitte en vous embrassant bien fort », qu’il a également été typographe, maçon, jardinier, boxeur, comptable, décorateur.
Dans ses moments de solitude, Robert Sabatier, disparu en juin 2012, jetait un regard en arrière : « enfance orpheline, adolescence chagrine, la douleur de ce premier mariage détruit, la séparation d’une partie de ma chair, les années de travail ingrat, puis cet effarant, presque scandaleux succès. » Abrité derrière son éternelle pipe, il cachait en effet de profondes douleurs. Il avait démarré son existence tout en bas de l’échelle, dans des conditions dramatiques avec la mort de ses parents, disparus chacun un 1er mai, à quatre ans d’intervalle. À l’âge de douze ans, le gamin de Montmartre avait découvert un matin sa maman foudroyée par une crise cardiaque alors qu’il avait dormi à ses côtés.
Il est alors recueilli par son oncle, et mis au travail dans l’atelier de typographie de ce dernier. Dès 1939, il imprime lui-même ses poèmes sur des chutes de papier… Bientôt, les poèmes sont remplacés par des tracts contre l'occupant. Le jeune Robert va bientôt s'intégrer à un maquis local en Auvergne, là où habitent ses grands-parents. À la fin de la guerre, c'est la démobilisation et une nouvelle existence marquée par un mariage raté avec la fille d'un industriel de Roanne.
Retour à Paris en 1950. Le jeune homme se partage entre un job aux Presses Universitaires de France, et les cercles poétiques de la Rive gauche. Il apprend à écrire, à bannir les clichés. Ses amis lui conseillent de se lancer dans le roman, alors que, à ses yeux, la grande affaire de sa vie est  la poésie. Puis un jour, il rentre chez lui avec une jeune fille qui refuse ses avances, mais se jette sur ses cahiers pour les lire. La jeune fille se nomme Christiane Lesparre, et ils vivront ensemble pendant cinquante-deux ans, jusqu’à la mort de la romancière qu’elle était aussi. Il ne l’appelait pas sa femme, « car le possessif nous gêne ». Et si on la présentait comme Madame Robert Sabatier, elle répondait sèchement : « J’ai un prénom, les chiens en ont bien un ! » Bref, un sacré tempérament, versatile, souvent insupportable, imperméable au succès de son mari, persuadée même que sa notoriété était « une usurpation ». Quand Robert est élu à l’Académie Goncourt, elle lui envoie : « Et voilà que tu vas juger les autres… tu as tout trahi : moi, toi, ton idéal de jeunesse… ». Et pourtant, malgré les crises, elle demeurera « sa compagne de toujours », il écrit même : « Je suis bien avec elle, je ne vis que pour elle. » Ensemble, d’ailleurs, ils le resteront même dans la mort, puisqu’ils sont enterrés l’un près de l’autre au cimetière Montparnasse, en face d’Albin Michel, l’éditeur de toujours de Robert Sabatier.
LIRE « Je vous quitte en vous embrassant bien fort », Robert Sabatier, éditions Albin Michel, 656 p., 29 €.


Robert Sabatier en quelques dates

17 août 1923 : naissance à Paris, à Montmartre.
1936 : employé dans l’atelier de typographie de son oncle et tuteur, après la mort de ses parents.
1943 : rejoint le maquis.
1953 : premier roman, « Alain et le nègre ».
1965 : directeur littéraire des éditions Albin Michel.
1969 : Grand prix de poésie de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.
1970 : « Les Allumettes suédoises », premier tome de la saga d’Olivier.
1972 : élection à l'Académie Goncourt.
1988 : fin de son « Histoire de la poésie française » avec le 9ème volume.
1995 : « Les Allumettes suédoises », une trilogie télévisée composée des épisodes « David et Olivier », « Trois Sucettes à la menthe » et « Les Noisettes sauvages », réalisée par Jacques Ertaud.
2007 : « Les Trompettes guerrières », huitième et dernier tome des aventures d’Olivier.
28 juin 2012 : mort à Paris




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