Frédéric Roux |
Un Ali de plus ? Non, justement, parce
que Frédéric Roux, déjà auteur de « Tyson, un cauchemar américain »
et de « Ring », décide de raconter Ali par le biais de milliers de
témoignages, toujours très courts, racontés par tous ceux qui ont connu le
boxeur. « Alias Ali » est donc un empilement de citations, de
phrases, de témoignages… de son père, sa mère, ses amies, ses entraîneurs mais
aussi des nombreux suiveurs (et parasites souvent) qui trainent dans son sillage.
On croise aussi des figures satellitaire du cirque Ali comme le romancier
Norman Mailer et des témoignages d’origine parfois douteuse (selon le Figaro
littéraire, Lloyd Hefner est une fiction) et on parie qu’après trois pages et
deux rounds ce pavé va nous tomber des mains. Mauvaise pioche: servi par un
montage malin, rythmé, punchy, ce livre devient totalement addictif,
passionnant, révélateur d’un Ali bien plus complexe que ne le laisse souvent
apparaître des bios plus officielles.
« Alias Ali » s’articule autour
des combats du Greatest, des plus mythiques (contre Liston, Frazier ou Foreman)
jusqu’aux affrontements pathétiques et arrangés (dont un « grandiose »
championnat du monde contre un champion belge qui ne rêve que de se coucher le
plus vite possible). Les commentaires des combats méconnus contre des toquards
de premier ordre sont souvent plus passionnants que ceux archiconnus de
Kinshasa ou Manille, par exemple. Mais ce drôle de bouquin au style
télégraphique montre aussi qu’Ali a perdu son combat d’homme en étant un
complice indirect de l’assassinat de Malcom X, une marionnette souvent
pathétique manipulée par la Nation of Islam d’Elijah Muhammad. Fort sur le
ring, faible dès qu’il passe sous les cordes, le dernier survivant des icônes
américaines de la fin du XXe siècle (Elvis, Marilyn et James Dean sont KO
depuis belle lurette), Muhammad « Cassius Clay » Ali est bien le plus grand
sportif du XXe siècle. Mais le « bricolage » littéraire de Frédéric
Roux prouve que le môme de Louisville devenu le vieillard tremblant d’Atlanta
est bien plus que ça.
LIRE « Alias Ali », Frédéric Roux, éditions Fayard, 640 p., 22 €.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire