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vendredi 18 mai 2012

Fiers, loyaux... et prêts pour la baston



John King
 Le skinhead fait peur, le skinhead est synonyme de fasciste. Il fallait un Anglais, John King, pour rétablir la vérité sur l’Histoire de ce mouvement.

April, sa femme, est morte il y a dix ans, et Terry, à presque cinquante ans, se tient toujours debout. Il a fini de payer le crédit de son pavillon, il dirige sa propre boîte, il a un peu d’argent à la banque, ses filles, 20 ans et plus, sont installées dans la vie. Laurel, son fils, a bien quitté la maison a 15 ans, mais ne semble pas être en danger pour autant. Mais il reste April. Son souvenir, partout, tout le temps.
Terry ne laisse rien paraître. C’est un dur, un skinhead, qui a très tôt appris à se battre dans cette banlieue de Londres, peut-être en réaction à un père trop accommodant. D’ailleurs, sa compagnie de taxis, Estuary cars, n’embauche que des skinheads (voir l’extrait ci-dessous). Pas forcément des mecs faciles à vivre, mais fidèles, loyaux, solidaires. Des skinheads quoi. Car, c’est bien là toute la force du roman de John King, icône de la littérature prolétaire depuis le succès de « Football factory », c’est de rendre justice à ce mouvement – les skinheads – devenu aujourd’hui synonyme de violence et d’extrémisme de droite.
L’image est classique. Elle tient du cliché. Qu’est-ce qu’un skinhead si ce n’est un abruti tondu et tatoué, gueule de tueur et cerveau de pitbull, raciste, casseur de « pédés », amateur de foot (le skinhead se double souvent du hooligan) et de musique dégénérée ? John King rappelle que les skins apparaissent en Angleterre au début des années 60. Dans les quartiers populaires, une partie de la jeunesse ne se reconnaît pas dans les hippies, elle préfère se marginaliser en restant respectueuse des valeurs de la classe ouvrière britannique : défense de la communauté, virilité, amour de la bière, fraternité, patriotisme. Ces fils d’ouvriers se sentent plus proches des émigrés jamaïquains que des banlieusards parvenus de la middle class. Pauvres noirs et petits blancs sont dans la même galère. Ils écoutent le même reggae d’origine jamaïquaine, ou son ancêtre, le ska (un rythme plus rapide).
Comme toujours en Angleterre, une mode musicale engendre une mode vestimentaire et les jeunes prolos blancs amateurs de reggae cultivent un look opposé à celui des hippies. Ceux-ci portent des cheveux longs ? Les fils de l’East End se rasent le crâne – la légende veut aussi que ces « rastas » blancs se soient coupés les cheveux pour ne plus être agrippés par la police montée de Sa Majesté – et les tabloïds les affublent du surnom de skinheads, littéralement « têtes peau ». Les hippies arborent des chemises à fleurs ? Les skins se contentent de sobres blousons de toile noire (les Harrington), de chemises de boucher (Ben Sherman), de lourds pardessus (crombies) et de godillots à lacets inventés par un orthopédiste, le docteur Martens. Ils adoptent un cri de ralliement emprunté au patois cockney (londonien) : « Oï ! », une abréviation de « O, you ! » (« Hep, toi ! ») utilisée pour apostropher quelqu’un.
Oui, au-delà de l’amour (ah ! la voluptueuse Angie) et de la mélancolie (Terry ouvre un pub « à l’ancienne ») qui baignent ces pages, John King raconte une page d’Histoire méconnue. Une Histoire toujours en train de s’écrire. Si son roman pouvait faire tomber quelques préjugés et stéréotypes, il aurait gagné la partie.

LIRE « Skinheads », John King, éd. Au Diable Vauvert, 392 p., 22 €.

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