J.K. Rowling © Wall to Wall Media Ltd-A. Montgomery |
Joanne K. Rowling, l’auteur des « Harry Potter »
débarque en fanfare avec le lancement son premier roman pour adultes,
best-seller annoncé. D'abord, il faudrait faire abstraction d’une stratégie navrante,
mais désormais typique du lancement des best-sellers mondiaux. A savoir, en
dire le moins possible pour qu’on en parle le plus possible. Ne pas permettre
aux critiques, ni aux libraires de lire le roman avant sa parution. Ne pas
donner d’interview (ou le strict minimum, deux pour la France - à TF1 et à
l’hebdomadaire Elle -, deux entretiens où l’on aura très peu parlé, comme c’est
étonnant, du livre). Taire les chiffres et laisser enfler les rumeurs :
Grasset refuse de dire combien la maison d’édition a payé pour acquérir les
droits pour la France, et quel est le tirage prévu (d’après le magazine Le
Point, ces chiffres seraient respectivement de 3 millions d’euros et de 600.000
exemplaires). Toute cette fausse discrétion pour, évidemment, générer du buzz,
de la curiosité, elle-même maîtresse du porte-monnaie : on ne sait
(presque) rien du livre, mais on va l’acheter.
Et puis, il y a l’auteur. On est loin de la jeune inconnue
qui en 1994-1995 vivait de l’aide sociale et qui imaginait dans les cafés d’Edimbourg
les aventures d’un apprenti sorcier. Forcément, 500 millions d’exemplaires
vendus à travers le monde des aventures de Harry Potter ont donné un impact
extraordinaire à l’annonce du premier roman pour adultes écrit par Joanne K.
Rowling.
Alors, après lecture des 680 pages de « Une place à
prendre », il est comment ce dernier-né ? A question simple, réponse
complexe. Il y a certes toujours quelque chose de réjouissant à découvrir des
décors et des personnages terriblement british. Et là, nous sommes gâtés. Nous
sommes à Pagford, une bourgade charmante où tout le monde se connaît à défaut
de s’apprécier (une trop grande proximité nuit à l’harmonie, d’après J.K.
Rowling) et qui va être toute chamboulée au décès, aussi subit qu’inattendu, de
Barry Fairbrother, un quadragénaire ambitieux, et peut-être pas aussi généreux
que son CV de bienfaiteur des pauvres voudrait nous le faire croire…
Les thèmes abordés sont universels : les inégalités
sociales, les difficultés dans le couple, les préjugés, le poids du
qu’en-dira-t-on, etc. Drogue, sexe et misère aussi. Surtout, on retrouve une
J.K. Rowling préoccupée par le devenir des adolescents, malmenés par la bêtise,
la lâcheté, les rancoeurs, les névroses de leurs parents. Andrew, Fats, Gaïa et
Krystal, pour ne citer qu’eux, sont aussi vulnérables qu’attachants, chacun se
débattant au sein d’un environnement familial infernal, et cherchant à se faire
une place dans le monde des adultes quand les modèles qu’ils ont en face d’eux
sont au mieux pathétiques, au pire tragiques. Grandir est un combat, vieillir
est un naufrage.
Hélas, le trait est souvent très (trop) appuyé. Chaque
personnage correspond à un stéréotype, sans espoir d’en sortir. L’auteur ne
laisse aucun espace à son lecteur : tout est expliqué, détaillé, rabâché.
Résultat : ça n’avance pas. Fairbrother s’écroule, mort, page 13. On
l’enterre page… 213. Et les messages du « Fantôme_de_Barry_Fairbrother »
postés sur le site du Conseil paroissial de Pagford font un bien pâle suspense.
Verdict : ça se lit sans déplaisir. Sans crier au génie non plus.
LIRE « Une place à prendre », J.K. Rowling,
éditions Grasset, 680 p., 24 €.
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