Duras, pour beaucoup, c’est un livre, et un seul.
Certains aiment la première époque de la romancière, plus narrative, avec des
titres comme « Un barrage contre le Pacifique », « Le Marin de
Gibraltar » ou « Les petits chevaux de Tarquinia ». D’autres préfèrent «
L’Amant », auréolé de son prix Goncourt. D’autres des livres plus exigeants,
comme « Le Ravissement de Lol V. Stein » (peut-être son meilleur livre), ou «
Hiroshima mon amour » ou « Moderato Cantabile ». Et puis il y a « La Douleur »,
certainement le texte le plus fort de Marguerite Duras, où elle dit l’attente
insoutenable du retour de son mari du camp de concentration de Dachau. Et le
théâtre, avec ses interprètes fétiches, Madeleine Renaud, Bulle Ogier et
Michael Lonsdale. « Savannah Bay », « Des journées entières dans
les arbres », « La Musica » sont déjà des classiques.
Marguerite Duras devra attendre 1984, quarante ans après
la parution de son premier roman, pour connaître un succès à la fois critique
et commercial. 100.000 exemplaires vendus en quatre semaines, plus d’un million
d’exemplaires au total. Un triomphe étonnant puisque la romancière faisait
alors davantage parler d’elle par ses films expérimentaux. Dans les dix
dernières années de sa vie, Marguerite Duras va se consacrer à un nombre important
de « réécritures » de textes déjà parus. Une décennie passionnante : ainsi, en
1986, « Les Yeux bleus cheveux noirs » « récrit » « La Maladie
de la mort » (1982) ; en 1991, « L’Amant de la Chine du Nord »
est en quelque sorte une nouvelle version de « L’Amant » (1984), une
réponse à la version cinéma de Jean-Jacques Annaud que Duras n’aimait pas. Comme
si Marguerite Duras ne voulait pas s’en aller sans avoir mis un point final à
son œuvre. Une tonalité « testamentaire » que l’on retrouve dans
certains livres des dernières années, à l’instar d’« Écrire », un
joyau pour tous les écrivains en herbe.
L’existence de Marguerite Duras fut profondément marquée
par l’engagement politique. Elle ne se remit jamais complètement d’une enfance
marquée par la débâcle d’Indochine, débâcle d’un pays, la France, et d’une famille,
les Donnadieu (son vrai nom). Sur le tard, elle multipliera les prises de
position, toujours originales, parfois à l’emporte-pièce. Elle deviendra même
une icône, reconnue pour son « look » : le gilet noir, une jupe droite, le
pull-over à col roulé, bottes courtes en hiver, les nombreuses interviews, les
articles dans la presse (dont le très polémique « Sublime, forcément sublime »
consacré à l’affaire Grégory et paru dans le quotidien Libération). Et bien sûr
le style Duras : « Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots
seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Égarés. Là, écrits. Et quittés
aussitôt. »
Jacques Lindecker
LIRE Les « Œuvres
complètes » de Marguerite Duras sont disponibles en 4 volumes dans la Bibliothèque de la Pléiade
Des biographies : « C’était Marguerite
Duras » de Jean Vallier (Le Livre de Poche, 1568 p., 28 €) ;
« Marguerite Duras : la traversée d’un siècle » d’Alain
Vircondelet (éd. Plon, 428 p., 21,90 €) ; le très bel album
« Marguerite Duras » de Laure Adler (éd. Flammarion, 250 p., 39,90
€).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire