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vendredi 4 avril 2014

Les coups de coeur de Pierre Maenner



La sensationnelle et véridique histoire des sœurs Fox, qui au XIXe siècle dans une Amérique en mal d'ancêtres et de racines inventèrent le « modern spiritualism » rapidement popularisé sous le nom de spiritisme. Elles étaient trois. Kate, la plus jeune, la plus allumée, la plus sincère, encombrée d'un vrai don de médium ; Margaret, sa complice dépassée qui retombe sur ses pieds en faisant craquer ses orteils ; Leah, leur aînée de beaucoup, qui a senti tout le parti à tirer d'une juteuse mise en scène. Esprits frappeurs, tables dansantes, horloges parlantes... Comme les tables, les sœurs Fox ont toutes mal tourné et fini par céder à l'appel des spiritueux. Les hommes qui auraient pu les stabiliser ont disparu trop vite et sans laisser de signes. D'autres en ont abusé. Le spiritisme était un grand soufflé. Hubert Haddad y revient dans une évocation animée d'un grand souffle.
LIRE « Théorie de la vilaine petite fille », Hubert Haddad, éd. Zulma, 398 p., 20 €.


Deux frères. Là où d'autres se ressemblent comme ce qu'ils sont, ceux-là, tout les sépare. L'aîné, militant syndical sur le port de Marseille, une petite vie sous le poids des responsabilités. Le cadet, un chien fou, habitué des mauvais coups et que le poids des condamnations ne dissuade pas de continuer à mener la belle vie. L'insouciant vient de se fourvoyer dans un casse sanglant sur le port de Dunkerque. Les deux frères se retrouvent dans les vagues de la côte atlantique où sont leurs souvenirs d'enfants. L'un en vacances, avec une femme partie pour le quitter, l'autre en cavale, pour qui ne comptent plus ses conquêtes esquintées. Ils sont trop dissemblables pour se comprendre et parvenir à s'aider. Pour l'un comme l'autre, plus de planche de salut.

Des romans pour ados qui étaient son domaine, l'auteur ici se jette à l'eau et se lance dans le grand bain. Magnifique plongeon.

LIRE « Baignade surveillée », Guillaume Guéraud, éd. du Rouergue, 125 p., 13,80 €.



Écrivain, journaliste, correcteur et sur le point de raccrocher, un homme de lettres se jette à corps perdu dans une dernière œuvre : sur fond de campagne normande, il entreprend de remonter la piste d'un « chameau ». Non pas l'animal à deux bosses qui n'a jamais la dalle en pente, mais un pupitre à doubles plateaux inclinés sur lequel on est deux à bosser. Il en a hérité le jour où son journal a fermé. Ce chameau, assemblage de bois de récupération, planches de cercueil ou de tables, mélange de cerisier, châtaignier, houx, frêne et poirier, lui est un compagnon fidèle. Ils ont traversé ensemble des déserts aux petites heures et les révolutions techniques qui ont mené à l'écriture numérique. De registres de notaires en calepins d'ébénistes, l'écrivain piste la bête et d'un pas lent et poétique, reconstitue un voyage qui, mirage ou illumination, en vient à croiser la route de Flaubert et de ses illustres copistes.

LIRE « À bois perdu », Alain Galan, éd. Buchet-Chastel, 188 p., 14 €.



Ce qui est bien avec Jacques A. Bertrand, ces derniers temps, c'est qu'il est tout le temps malade et que plus il est malade, plus il en remplit des livres et que plus il en remplit des livres, plus il est impayable. Selon les cas, il est malade de lui-même qu'il n'aime pas ou aime trop, ou malade des autres, qui sont des sales types, d'incorrigibles croyants ou quelque chose un peu correspondant. Cette fois-ci, c'est introspectif. Son appareil digestif lui fait des misères. Rigolez pas, l'affaire est grave. Du pavillon des cancéreux, la tombe est à deux pas. Le malheureux passe à côté encore une fois, au prix du sacrifice de quelques pièces détachées. Et relate ça sur le ton qui convient. Souhaitons longue vie à Jacques A. Bertrand et de nombreuses maladies à venir. Qu'il en réchappe joyeusement et qu'il en tartine des romans à rechutes. À le lire, en attendant, on est morts de rire.
LIRE «  Comment j'ai mangé mon estomac », Jacques A. Bertrand, éd. Julliard, 111 p., 14 €.
 

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