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vendredi 28 juin 2013

Notre sélection de livres pour l'été


Stephen King

Le plus énooorme : Stephen King revisite le passé de l’Amérique, et notamment ce qui aurait pu se passer si Kennedy n’avait pas été assassiné. Entre fantastique (son héros a trouvé une faille temporelle qui le ramène en 1958) et reconstitution historique, il ne se perd jamais et nous offre un récit aussi dense que limpide, à la fois noir et lumineux (« 22/11/63 », éditions Albin Michel, 944 p., 25,90 €).
Le plus matheux : Daniel Tammet nous apporte cette révélation : les maths sont partout, et elles sont nos amies... Les chapitres de son livre sont de mini-essais aux allures de nouvelles qui révèlent la méconnue et pourtant omniprésente correspondance entre les nombres et les mots (« L'éternité dans une heure, La poésie des nombres », éd. Les Arènes, 297 p., 19,80 €).
Le plus envoûtant : Michèle Lesbre se « soulage » d’un souvenir atroce : en 2003, elle a vu un homme âgé se jeter sous les rails du métro. Son héroïne parcourt les rues de Paris, elle est sous le choc, sa vie ne sera plus jamais la même (« Écoute la pluie », Sabine Wespieser éditeur, 112 p, 14 €).
Le plus nostalgique : Bruno Léandri raconte ses potes, les années 70 et les divagations des nouveaux gourous s’arsouillant sauvagement avec la bourgeoisie bien-pensante et pompidolienne confite dans ses certitudes. Des étincelles à chaque page (« On enterre bien les Dinky Toys », François Bourin éditeur, 400 p., 22 €).
Le plus fragile : Enrico Remmert nous entraîne dans un road-movie improbable et tragi-comique avec trois compères, en piteux état, de Turin à Bari. Un voyage absurde, magnifiquement écrit, où tout chavire et rien ne change vraiment (« Petit art de la fuite », éd. Philippe Rey, 240 p., 18 €).
Le plus « bricolé » : Frédéric Roux raconte Cassius Clay alias Muhammad Ali, par le biais de milliers de témoignages, toujours très courts, racontés par tous ceux qui ont connu le boxeur. Un montage malin, rythmé, punchy (« Alias Ali », éditions Fayard, 640 p., 22 €).
Le plus poétique : Erri De Luca a dix ans et passe l’été avec sa mère sur l’île d’Ischia, au large de Naples. Le père est parti chercher du travail aux États-Unis. Poignant, d’une vérité absolue, d’une magnifique tendresse (« Les poissons ne ferment pas les yeux », éd. Gallimard, 130 p., 15,90 €).
Le plus caustique : Roland Jaccard (en photo) publie ses souvenirs. C’est drôle, cruel, un sacré personnage (« Ma vie et autres trahisons », éd. Grasset, 200 p., 16 €).
Le plus politique : Leonardo Padura revient sur l’assassinat de Leon Trotski, en 1940, par le communiste espagnol Ramon Mercader. Ce meurtre à coup de piolet à Mexico révèle la folie de Staline à pourchasser tous ceux qui, un  jour, lui ont permis d’accéder au pouvoir. Un livre immense (« L’homme qui aimait les chiens », éd. Métailié, 800 p., 14 €).
Le plus original : Lydie Salvayre rend hommage à « 7 folles », autant d’écrivains qui, par leur exigence, par leur intransigeance, par leur soif de liberté, par leur malheur souvent, ont fait son bonheur. Un livre bouleversant (« 7 femmes », éd. Perrin, 240 p., 18 €).
Le plus drôle (au passé) : Tom Sharpe nous a quittés le 6 juin. Sa satire grinçante va nous manquer. Sa série des « Wilt » est un monument de l’humour britannique (disponibles chez Belfond ou en poche chez 10/18).

vendredi 21 juin 2013

Le coup de coeur de Thierry Boillot



Foudroyé le 28 février 2013 par un œdème pulmonaire, Daniel Darc avait 53 ans. Quatre mois plus tard, voici son témoignage posthume. Etonnant... Le plus gainsbourien de nos poètes rock préparait depuis un an cette autobiographie avec Bertrand Dicale. Le livre était loin d’être achevé. Mais la teneur du récit et la sincérité des entretiens représentent une somme captivante, parfois drôle, souvent émouvante, qu’il fallait publier. L’ancien chanteur de Taxi Girl, remis en selle par l’album « Crèvecœur » en 2004, raconte son éducation juive jusqu’à sa conversion au christianisme. Il certifie son amour de la musique qui n’a d’égale que sa grande faiblesse pour la dope et l’alcool. Ainsi soignait-il sa « phobie sociale ». Mais au fil de cette confession habitée par la foi, Darc s’avère moins sombre qu’on l’imaginait. Et surtout pas suicidaire.
LIRE « Tout est permis mais tout n’est pas utile », D. Darc/B. Dicale, éd. Fayard. 226 p., 18 €.

vendredi 14 juin 2013

Le coup de coeur de Sandrine Pays



Le deuxième tome de la trilogie de Justin Cronin est presque aussi épais que le premier. Et c’est tant mieux, parce qu’il tient toutes ses promesses. Nous voici à nouveau plongés dans ce monde dévasté où règnent la terreur et la désolation, où les viruls, ces monstres qui, comme les vampires, se repaissent de sang humain, font leur loi. De nouveaux héros, survivants de l’extrême, font leur apparition ; d’autres, l’énigmatique Amy et les siens en tête, sont de retour alors qu’une nouvelle menace se fait jour : certains ont réussi à s’adapter et, dirigés par l’horrible Horace Guilder, esclavagiste des temps modernes, ont formé une vaste colonie ressemblant étrangement à un camp de concentration… On se régale d’un scénario bien ficelé jusque dans ses moindres détails, d’un sens de l’action et du rythme indéniable, d’une écriture toujours aussi fluide. Si ce n’est qu’on attend déjà la suite avec impatience.
LIRE « Les Douze », Justin Cronin, éd. Robert Laffont, 728 p., 23 €.

Le coup de coeur de Martine Marion



Nous avons quitté Yanick Lahens il y a deux bonnes années. Elle venait d’écrire « Failles » au lendemain de ce 12 janvier 2010, jour où un cyclone a ravagé Haïti. Le livre s’était substitué à un autre : l’histoire de Nathalie et de Guillaume. La fureur des éléments ne lui  avait pas laissé le temps de la raconter. Le livre est enfin né. Dans ce pays où les émotions se conjuguent toujours au superlatif, on fait ici une plongée érotique dans le cœur d’un homme et d’une femme. Elle est architecte, il est sociologue. Un projet de construction d’un centre polyvalent les rassemble. Tous deux sont haïtiens, elle est allée en France puis est revenue.  Lui n’est jamais parti. Elle est jeune, lui un peu moins. Mais lorsque des frissons parcourent des corps meurtris,  les émois amoureux savent jeter aux orties les conventions. Belle victoire de la vie lorsque le grondement de la terre approche à grands pas.
LIRE « Guillaume et Nathalie », Yanick Lahens, éd. Sabine Wespieser, 168 p., 18 €.

Sofi Oksanen, on ne s'en lasse pas



Ce pourrait être un cours d’histoire : un petit pays ballotté au gré des appétits de ses voisins, occupé par les bolcheviks en juin 1940, « libéré » en juillet 1941 par les nazis, de nouveau repris par les Soviétiques en octobre 1944. Ainsi en alla-t-il de l’Estonie, où la romancière finlandaise Sofi Oksanen (en photo) situe l’action de « Quand les colombes disparurent », son nouvel opus sur l'histoire récente de ce pays, après « Les Vaches de Staline » (qui vient de paraître en poche) et « Purge », roman qui avait consacré son auteur dès sa sortie.
« Je raconte une histoire que connaissent toutes les familles estoniennes. Comme celle de ma mère », lâche Sofi Oksanen, qui s’empare ici de l’Histoire pour dessiner tout en subtilité la schizophrénie générée par les régimes totalitaires sur les peuples. En l’occurrence sur le jeune Roland, entré en résistance contre tout type d’envahisseur ; son cousin Edgar – personnage inspiré d’un écrivain qui rédigeait l'histoire officielle de l'Estonie selon les dogmes édictés par le KGB – qui grenouille dans tous les services de renseignements, passant des Rouges aux Bruns puis aux Rouges ; la belle Judith, épouse malheureuse dudit Edgar, tombée amoureuse d’un haut-gradé allemand ; et la cousine de celle-ci, Rosalie, la fiancée de Roland dont la disparition hante ce roman.
Son décor familial planté, se jouant de la chronologie entre 1941 et 1966, la romancière se concentre sur Edgar, fil conducteur d’une histoire versatile, être abject ouvert à toutes les trahisons, collaborateur mesquin rivé à la vie des autres, poussé à faire le vide autour de lui afin de museler son passé compromettant à plus d’un titre.
Toujours aussi vibrante, l’écriture de Sofi Oksanen est d’autant plus acérée que l’auteur se plaît souvent à suggérer seulement, laissant au lecteur la liberté de construire ses propres images. Parfois, seule une évocation suffit. C’est d’ailleurs ainsi que se termine le roman, et c’est glaçant. Virtuose aussi.
Anne Vouaux
LIRE « Quand les colombes disparurent », Sofi Oksanen, éditions Stock, 400 p., 21,50 €.