Rechercher dans ce blog

vendredi 2 novembre 2012

Le pays où l'herbe n'était pas plus verte


Julie Otsuka

Elles ont fait un grand voyage, la traversée du Pacifique, ces milliers de Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXè siècle pour épouser en Californie un homme qu’elles n’avaient pas choisi, qu’elles connaissaient par quelques lettres et une photo, souvent mensongères. Car, à l’arrivée, ce n’est pas une existence de soie et de roses qu’elles ont découvert, mais un quasi-esclavage, aux champs, à la maison, au lit. Leurs maris n’étaient pas des monstres, juste des compatriotes aussi déshérités qu’elles, relégués dans la cale de l’American dream des années 20. Et quand, après avoir survécu à tant de misère, d’accablement, de brimades, elles relèvent la tête, font des enfants, envisagent un avenir, la guerre éclate. Le Japon choisit l’Allemagne nazie, contre les Etats-Unis. La rumeur, puis les autorités, désignent les immigrants japonais comme l’ennemi intérieur. Comme ailleurs, le bouc émissaire va être brutalisé, mis à l’index, pillé. Et, bientôt, déporté.
Julie Otsuka raconte à la manière d’un chœur antique cette effroyable épopée. Comme si elle voulait ressusciter chacune de ces voix, qui ont si peu parlé, qu’on a si peu écouté, toujours soumises, toujours dans l’espoir, toujours à penser qu’en travaillant sans relâche elle finiraient par toucher les étoiles. Par décrocher un sourire, un peu d’attention, une identité. Mais non, les hommes n’aiment pas les innocents. C’est déchirant, bouleversant, admirable.
LIRE « Certaines n’avaient jamais vu la mer », Julie Otsuka, éditions Phébus, 144 p., 15 €.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire