Le Liban, un pays où le pire n’est jamais sûr. C’est cela le
Liban, toujours blessé, jamais à terre, comme le raconte Amin Maalouf (ancien
prix Goncourt pour « Le rocher de Tanios ») dans « Les
désorientés », un livre né d’un retour bouleversant dans son pays natal,
en 1994, après des dizaines d’années d’exil. Ici, on plonge dans le Liban
heureux, celui d’avant la guerre de 1975, lorsqu’une bande de copains,
« Les Byzantins », rêvaient d’un pays réconcilié, d’un pays de paix.
Mais le délicieux vin produit dans les plaines de la Bekaa a tourné au
vinaigre. Les joyeux drilles ont pour la plupart quitté le sol natal.
« Nous étions jeunes, c’était l’aube de notre vie, et c’était déjà le
crépuscule » écrit Adam revenu au pays pour assister aux obsèques de son
« ex-ami » Mourad, qui s’est « vendu » à l’occupant pour
garder sa propriété au Levant. Fallait-il partir,
fallait-il rester ? Naïm le Juif a choisi le Brésil, Albert les
Etats-Unis, Ramzi, saisi par la foi, est devenu moine, Nidal a préféré le camp
de l’islam, Adam, l’historien s’est installé en France. « Je ne suis allé
nulle part, c’est le pays qui est parti » dit-il. Tous avaient été mis au
monde pour construire un monde de fraternité. Tous ont pris des chemins
différents qu’Adam voudrait pouvoir voir converger à nouveau. L’idée lui vient
d’organiser des retrouvailles, avec la complicité bienveillante de la belle
Sémiramis. En retraçant la vie de chacun, il a déjà fait une grande partie du
chemin pour démêler les fils de ces destins croisés, dessinés au long de pages
magnifiques. L’heure de la fête approche, certains de ces copains d’avant ont
déjà posé le pied sur le sol libanais. Mais l’Histoire est cruelle, même
lorsque, comme un loukoum, elle se fond en littérature. La rencontre,
improbable, devient gouffre d’amertume et de désolation.
LIRE « Les désorientés »,
Amin Maalouf, éditions Grasset, 520 p., 22 €.
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