Les chiffres donnent le vertige : 140 millions
d’exemplaires vendus à travers le monde (dont 12 en France), 257 traductions,
des spectacles, des expositions, des parutions comme s’il en pleuvait (voir
l’encadré ci-dessous), « Le Petit Prince » a et continue d’être un
livre miraculeux. 70 ans après sa parution aux États-Unis, le 6 avril 1943, la
magie continue en effet d’opérer, auprès des enfants comme des adultes. Un
conte philosophique – et illustré - aux multiples « leçons » :
le renard dit par exemple « l’essentiel est invisible pour les yeux »
et « si tu veux un ami, apprivoise-le ».
Comment ce personnage unique est-il apparu à Antoine de
Saint-Exupéry ? Est-il lié à la perte du petit frère François, surnommé
« le roi soleil » ? A la passion de toujours de Saint-Ex pour le
dessin (durant son service militaire, à Strasbourg, il « croquait »
sans arrêt ses camarades de chambrée) ? Virgil Tanase, dans la biographie
qu’il vient de consacrer à l’auteur, raconte que ce dernier a « gribouillé
des dizaines de fois et dans des postures diverses ce personnage standardisé,
facile à dessiner [sur] ses lettres, ses dédicaces, ses agendas et les
serviettes en papier des restaurants. »
Pour autant, la genèse du livre est difficile à retracer.
Certains penchent pour un projet vieux de plusieurs années, d’autres parlent
d’une idée liée à une hospitalisation à Los Angeles au printemps 1942. La
comédienne Annabella lui rend alors souvent visite et lui lit les contes
d’Andersen. D’après Virgil Tanase, « La Petite Sirène » aurait
donné à Saint Ex l’envie d’écrire, lui aussi, un conte pour enfants.
Ce qui est certain, c’est que le Petit Prince n’était pas
une obsession majeure pour l’aviateur, qui avait d’autres chats à fouetter. Et
qui avaient pour noms : la guerre, la politique, la littérature. Excusez
du peu. Sans oublier les femmes : la vie sentimentale de Saint Ex est un
enfer. Même marié (à l’hystérique, dépensière et volage Consuelo, dont Virgil
Tanase brosse un tableau particulièrement sévère), l’homme est un invétéré coureur
de jupons. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire sans cesse : il travaille
d’arrache-pied à « son » livre (« On me demandera dans
l’éternité: « qu’avez-vous fait de vos dons ? »). Il ne le
terminera jamais. En attendant, en 1942, Saint Exupéry vient de publier
« Pilote de guerre », et c’est un succès. La revue The Atlantic
Monthly écrit que « ce récit et les discours de Churchill représentent la
meilleure réponse que les démocraties aient trouvé jusqu’ici à Mein
Kampf » ! Les Américains sont donc enthousiastes, les Français
beaucoup moins. L’attitude pacifiste de Saint Ex le place en porte-à-faux entre
les collaborationnistes de Vichy (qui interdira le livre) et les gaullistes.
Et lui, l’aviateur sanguin, n’a qu’une envie :
reprendre du service pour combattre l’ennemi nazi. Mais on ne veut pas de
lui : trop vieux, trop abîmé. Il parviendra tout de même à ses fins –
reprendre les airs – et y laissera la vie. Le 31 juillet 1944, il ne reviendra
pas d’une mission de reconnaissance cartographique le long des côtes
méditerranéennes. Son avion sera retrouvé en 1998 au large de Marseille.
LIRE
« Saint-Exupéry », Virgil Tanase, éd. Folio biographies, 464 p., 8,60
€.
POUR EN SAVOIR
PLUS www.lepetitprince.com
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