Rechercher dans ce blog

vendredi 5 avril 2013

Le Petit Prince a des cheveux blancs



Les chiffres donnent le vertige : 140 millions d’exemplaires vendus à travers le monde (dont 12 en France), 257 traductions, des spectacles, des expositions, des parutions comme s’il en pleuvait (voir l’encadré ci-dessous), « Le Petit Prince » a et continue d’être un livre miraculeux. 70 ans après sa parution aux États-Unis, le 6 avril 1943, la magie continue en effet d’opérer, auprès des enfants comme des adultes. Un conte philosophique – et illustré - aux multiples « leçons » : le renard dit par exemple « l’essentiel est invisible pour les yeux » et « si tu veux un ami, apprivoise-le ».
Comment ce personnage unique est-il apparu à Antoine de Saint-Exupéry ? Est-il lié à la perte du petit frère François, surnommé « le roi soleil » ? A la passion de toujours de Saint-Ex pour le dessin (durant son service militaire, à Strasbourg, il « croquait » sans arrêt ses camarades de chambrée) ? Virgil Tanase, dans la biographie qu’il vient de consacrer à l’auteur, raconte que ce dernier a « gribouillé des dizaines de fois et dans des postures diverses ce personnage standardisé, facile à dessiner [sur] ses lettres, ses dédicaces, ses agendas et les serviettes en papier des restaurants. »
Pour autant, la genèse du livre est difficile à retracer. Certains penchent pour un projet vieux de plusieurs années, d’autres parlent d’une idée liée à une hospitalisation à Los Angeles au printemps 1942. La comédienne Annabella lui rend alors souvent visite et lui lit les contes d’Andersen. D’après Virgil Tanase, « La Petite Sirène » aurait donné à Saint Ex l’envie d’écrire, lui aussi, un conte pour enfants.
Ce qui est certain, c’est que le Petit Prince n’était pas une obsession majeure pour l’aviateur, qui avait d’autres chats à fouetter. Et qui avaient pour noms : la guerre, la politique, la littérature. Excusez du peu. Sans oublier les femmes : la vie sentimentale de Saint Ex est un enfer. Même marié (à l’hystérique, dépensière et volage Consuelo, dont Virgil Tanase brosse un tableau particulièrement sévère), l’homme est un invétéré coureur de jupons. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire sans cesse : il travaille d’arrache-pied à « son » livre (« On me demandera dans l’éternité: « qu’avez-vous fait de vos dons ? »). Il ne le terminera jamais. En attendant, en 1942, Saint Exupéry vient de publier « Pilote de guerre », et c’est un succès. La revue The Atlantic Monthly écrit que « ce récit et les discours de Churchill représentent la meilleure réponse que les démocraties aient trouvé jusqu’ici à Mein Kampf » ! Les Américains sont donc enthousiastes, les Français beaucoup moins. L’attitude pacifiste de Saint Ex le place en porte-à-faux entre les collaborationnistes de Vichy (qui interdira le livre) et les gaullistes.
Et lui, l’aviateur sanguin, n’a qu’une envie : reprendre du service pour combattre l’ennemi nazi. Mais on ne veut pas de lui : trop vieux, trop abîmé. Il parviendra tout de même à ses fins – reprendre les airs – et y laissera la vie. Le 31 juillet 1944, il ne reviendra pas d’une mission de reconnaissance cartographique le long des côtes méditerranéennes. Son avion sera retrouvé en 1998 au large de Marseille.
LIRE « Saint-Exupéry », Virgil Tanase, éd. Folio biographies, 464 p., 8,60 €.
POUR EN SAVOIR PLUS www.lepetitprince.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire