Au début, on part dans l’inconnu : « Au
commencement, je ne sais pas que j’ai un corps. Que mon corps et moi on ne se
quittera jamais. Je ne sais pas que je suis une fille et je ne vois pas le
rapport entre les deux. » Au long des âges, enfant, fille, femme, au gré
des tempêtes et des bonheurs, on finit par apprendre et même se réconcilier,
« comme si mon corps était une maison où vivent ensemble le fil de
l’existence, fait de désirs, de force et de pulsations, mais aussi
l’absence. »
Dans un roman aux accents très autobiographiques, très
incarné, droit dans les yeux et dans ses bottes, Brigitte Giraud ose et réussit
ce pari fou : remuer ciel et terre, amours et deuil(s), sensualité et
réalité (crue) pour raconter l’intime, le plus intime. L’histoire d’une
fillette habillée par sa maman (pour « montrer [le corps] sans l’exposer,
le protéger en le mettant en valeur. ») et dont l’activité principale est
de vouloir « faire plaisir » à son papa.
Puis elle « entre dans le monde des femmes en même
temps que dans le monde des chiffres. C’est le début d’une ère nouvelle,
dominée par le 28, qui oblige à compter. » On dit que « les filles
sont formées, cela est effrayant. » Elle appartient désormais à cette
catégorie, elle voudrait se sauver. Elle apprend bientôt le désir, qui est
aussi douleur, car « le manque est physique. » On se croit exceptionnelle,
on est comme toutes les autres. C’est vexant.
Être comme tout le monde, c’est entrer dans la vie
active, c’est s’installer en couple, « et c’est la vie domestique qui se
tisse avec la vie amoureuse ». C’est avoir un enfant, qui restera toujours
une partie de soi tout en prenant son envol, en s’éloignant. Et c’est soudain
l’arrachement quand le compagnon se tue en moto. On se construit un mur de
briques autour de soi, avant de tout reprendre depuis le début, on est une
nouvelle personne qui va ôter sa carapace : « Je ne suis qu’à la
moitié de mon existence, j’ai encore une vie qui m’attend. […] Une vie avec des
cheveux blancs. »
LIRE
« Avoir un corps », Brigitte Giraud, éditions Stock, 240 p., 18,50 €.
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