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vendredi 1 mars 2013

Stephen King et le cours de l’Histoire



« 22/11/63 », un titre bien énigmatique, sous lequel se cache une commémoration : la date de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Un demi-siècle s’est écoulé et Stephen King, le maître de l’intrigue retorse, se saisit de ce moment-clé du roman du peuple américain. On s’attend à un ample récit mêlant faits historiques, rebondissements spectaculaires et un brin de fantastique. Tout cela y est, et pas qu’un peu sur près de mille pages. Mais il y a là encore davantage. Un grand roman moral (sur l’idée de la deuxième chance) et politique. On sent un formidable travail de recherche, de documentation : la reconstitution des années 1958-1963 est nickel. On hume l'époque, les gens se baladent la clope au bec, la guerre froide bat son plein, on ne se préoccupe pas d'écologie, les voitures sont mythiques, les jupes sont droites ou à volants, le costume est de rigueur pour les hommes... et la ségrégation mine encore le pays. Une société qui crève dans des carcans d’un autre temps, où la violence est une ombre permanente, et qui va basculer le jour de l’assassinat de JFK.
Stephen King
Ce drame, Al Templeton, qui tient un « dinner » à Lisbon Falls dans le Maine en 2011, veut l’éviter. Il a trouvé un passage à travers le temps qui le ramène invariablement au 9 septembre 1958 à 11 h 58. A chaque fois qu'il le franchit, le compteur se remet à zéro et l'histoire reprend son cours, tout ce qui a été modifié lors du voyage précédent s'efface. Al se fixe comme mission de supprimer Lee Harvey Oswald avant que celui-ci ne tue le président Kennedy. Hélas atteint d’un cancer incurable, il convainc Jake Epping, prof d'anglais dans le lycée du coin, de faire le job. Stephen King nous glisse dans le pas de Jake, rebaptisé en 1958 Georges Amberson (un clin d’œil au fil d’Orson Welles, « La Splendeur des Amberson », où tout, comme ici, n’est qu’apparence, illusion ?). Au passage, Jake se rajoute comme objectif d'éviter un drame familial, le massacre par un père de ses enfants et de son épouse, une folie qui laissera un seul survivant, un garçon, grièvement blessé… devenu en 2011 le concierge du lycée où travaille Jake et surnommé par les élèves « Harry-Haro-Crappy-Crapaud » à cause de sa démarche claudicante.
Évidemment, toucher au passé entraîne des conséquences plus ou moins graves. Le fameux effet papillon. Et Stephen King décrit les résistances, les harmonies que l'histoire met en place, la « ligne de partage des eaux ». Jonglant des événements, des anecdotes, des personnalités de ses personnages, il ne se perd jamais et nous offre un récit aussi dense que limpide, à la fois noir et lumineux. Sous les habits du roman, il nous donne une subtile - et même optimiste - analyse de ce que pourrait donner le changement a postériori. Incroyable et inattendu Stephen King : sous le suspense, implacable, il nous enjoint à devenir meilleurs ! C’était déjà son credo dans « Dôme », son énorme roman paru l’an dernier. On lira encore le plus prolifique des auteurs US deux fois cette année avec, en juin, « Joyland », une histoire de meurtre dans un parc d'attraction ; puis, en septembre, « Doctor Sleep », la suite du célèbre « The Shining ».
LIRE « 22/11/63 », Stephen King, éditions Albin Michel, 944 p., 25,90 €.
 

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