La neige, la guerre. Chez Tierno Monénembo, nous sommes dans les Vosges. Et en Pologne chez Hubert Mingarelli. Des histoires à vous arracher le cœur.
« Vous avez tout de même entendu parler du bastringue
que cela faisait en ces années-là à cause des Boches, des Ritals, des Bolcheviques,
des Ingliches, des Yankees, et de tas d’autres gens qui, tous, en voulaient à
la France, et avaient décidé, allez savoir pourquoi, de mettre l’univers sens
dessus dessous rien que pour nous emmerder ? » Ces années-là ?
1939-45. Dans un « trou perdu des Vosges », à Romaincourt et sa
centaine d’habitants, deux clans en fait où la haine le dispute à la consanguinité.
Là, les Valdenaire père et fils, partis aux champignons, vont découvrir dans un
fourré « une masse sombre et inquiétante ». Un « pauvre nègre,
[…] résolu et imperturbable comme tous ceux qui avaient décidé de s’en remettre
au sort. »
On vous passe une kyrielle d’épisodes plus tragi-comiques
les uns que les autres, mais ce « nègre » va survivre. Et même
devenir une figure du village. Adopté en quelque sorte.
« Le Terroriste noir » est certes une fiction,
écrite dans une langue chatoyante, bondissante, truculente, où une certaine
Germaine, une enfant à l’époque des faits, raconte ce qu’elle sait et la part
de mystère aussi. Mais Tierno Monénembo, l’auteur, prix Renaudot en 2008 pour
« Le Roi de Kahel », s’est appuyé sur la véritable histoire d’un compatriote
Guinéen, Addi Bâ, né vers 1916, adopté en France à l’âge de 13 ans et qui deviendra
l’un des ces « tirailleurs sénégalais », ces « frères
obscurs » comme les appelait Léopold Sédar Senghor. Des hommes qui se
sacrifièrent pour un pays qui n’était pas le leur. Addi Bâ fut de
ceux-là : trahi par on ne sait qui, la Gestapo finira par l’attraper. Par
l’achever. Parce qu’il était noir, ce combattant de la France libre ne recevra
la médaille de la Résistance qu’en 2003, soixante ans après son exécution…
Hubert Mingarelli |
Les trois soldats du « Repas en hiver » d’Hubert
Mingarelli - franchement, un roman à
vous arracher le cœur - sont, quant à eux, du mauvais côté de l’Histoire.
Emmerich, Bauer et le narrateur font partie de l’armée d’occupation allemande
en Pologne. Leur existence se limite à deux choses : lutter contre le
froid et obéir au lieutenant Graaf, un officier qui leur mène la vie dure.
Tierno Monénembo |
Les ordres sont un peu toujours les mêmes : il faut
« fusiller ». Qui ? D’abord, on ne sait pas. Nos trois recrues
n’en peuvent plus et, passant par-dessus la tête de Graaf, demandent et
obtiennent une faveur de leur commandant : faire bande à part. Ils
partiront à l’aube, sans avoir mangé, avec comme mission d’en ramener un. Un
quoi ? Un Juif, un de ceux qui se terrent dans des trous creusés dans la
forêt, un des rares à avoir survécu. La « chance » est de leur
côté : ils en trouvent un. Mais, avant de reprendre le chemin du
cantonnement, ils vont se préparer une soupe dans une ferme abandonnée. Là, ils
vont être rejoints par un Polonais de passage, dont ils ne comprennent pas la
langue. Et dont l’antisémitisme affiché va, contre toute attente, réveiller
chez nos soldats un sentiment de fraternité vis-à-vis de leur prisonnier. Les
voici face à une question qui changera, imperceptiblement mais
fondamentalement, leurs vies : faut-il le ramener ou le libérer ?
LIRE « Le terroriste noir », Tierno
Monénembo, éd. du Seuil, 206 p., 17 €.
« Un repas en hiver », Hubert Mingarelli, éd. Stock,
138 p., 17 €.
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