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vendredi 14 décembre 2012

Des hommes pris dans la tourmente


La neige, la guerre. Chez Tierno Monénembo, nous sommes dans les Vosges. Et en Pologne chez Hubert Mingarelli. Des histoires à vous arracher le cœur.

« Vous avez tout de même entendu parler du bastringue que cela faisait en ces années-là à cause des Boches, des Ritals, des Bolcheviques, des Ingliches, des Yankees, et de tas d’autres gens qui, tous, en voulaient à la France, et avaient décidé, allez savoir pourquoi, de mettre l’univers sens dessus dessous rien que pour nous emmerder ? » Ces années-là ? 1939-45. Dans un « trou perdu des Vosges », à Romaincourt et sa centaine d’habitants, deux clans en fait où la haine le dispute à la consanguinité. Là, les Valdenaire père et fils, partis aux champignons, vont découvrir dans un fourré « une masse sombre et inquiétante ». Un « pauvre nègre, […] résolu et imperturbable comme tous ceux qui avaient décidé de s’en remettre au sort. »
On vous passe une kyrielle d’épisodes plus tragi-comiques les uns que les autres, mais ce « nègre » va survivre. Et même devenir une figure du village. Adopté en quelque sorte.
« Le Terroriste noir » est certes une fiction, écrite dans une langue chatoyante, bondissante, truculente, où une certaine Germaine, une enfant à l’époque des faits, raconte ce qu’elle sait et la part de mystère aussi. Mais Tierno Monénembo, l’auteur, prix Renaudot en 2008 pour « Le Roi de Kahel », s’est appuyé sur la véritable histoire d’un compatriote Guinéen, Addi Bâ, né vers 1916, adopté en France à l’âge de 13 ans et qui deviendra l’un des ces « tirailleurs sénégalais », ces « frères obscurs » comme les appelait Léopold Sédar Senghor. Des hommes qui se sacrifièrent pour un pays qui n’était pas le leur. Addi Bâ fut de ceux-là : trahi par on ne sait qui, la Gestapo finira par l’attraper. Par l’achever. Parce qu’il était noir, ce combattant de la France libre ne recevra la médaille de la Résistance qu’en 2003, soixante ans après son exécution…
Hubert Mingarelli
Les trois soldats du « Repas en hiver » d’Hubert Mingarelli  - franchement, un roman à vous arracher le cœur - sont, quant à eux, du mauvais côté de l’Histoire. Emmerich, Bauer et le narrateur font partie de l’armée d’occupation allemande en Pologne. Leur existence se limite à deux choses : lutter contre le froid et obéir au lieutenant Graaf, un officier qui leur mène la vie dure.
Tierno Monénembo
Les ordres sont un peu toujours les mêmes : il faut « fusiller ». Qui ? D’abord, on ne sait pas. Nos trois recrues n’en peuvent plus et, passant par-dessus la tête de Graaf, demandent et obtiennent une faveur de leur commandant : faire bande à part. Ils partiront à l’aube, sans avoir mangé, avec comme mission d’en ramener un. Un quoi ? Un Juif, un de ceux qui se terrent dans des trous creusés dans la forêt, un des rares à avoir survécu. La « chance » est de leur côté : ils en trouvent un. Mais, avant de reprendre le chemin du cantonnement, ils vont se préparer une soupe dans une ferme abandonnée. Là, ils vont être rejoints par un Polonais de passage, dont ils ne comprennent pas la langue. Et dont l’antisémitisme affiché va, contre toute attente, réveiller chez nos soldats un sentiment de fraternité vis-à-vis de leur prisonnier. Les voici face à une question qui changera, imperceptiblement mais fondamentalement, leurs vies : faut-il le ramener ou le libérer ? 
LIRE « Le terroriste noir », Tierno Monénembo, éd. du Seuil, 206 p., 17 €.
« Un repas en hiver », Hubert Mingarelli, éd. Stock, 138 p., 17 €.

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