Un œil sur le comptoir, une oreille en salle et l’autre en
terrasse. Et c’est tout un univers qui se matérialise grâce à Alain Gerber,
chroniqueur avisé d’un quotidien fantasmé. Mais qui apparaît ici dans sa
réalité brute. « Le Central » est comme un film choral au scénario sans
histoire. Pourtant, ce roman recueille autant d’histoires
qu’il existe de personnages. On les suit de l’ouverture à la fermeture du
bistrot, unique décor de ces rencontres inattendues ou ordinaires qui font ce qu’est
la vie de tous les jours.

Mais revenons au Central, avec ses banquettes rouges, ses
miroirs qui reflètent joies et dérives des consommateurs, et sa terrasse
ouverte sur l’ailleurs. Sur ces « gens de l’Est » qui, selon un des
protagonistes, ne seraient « pas doués pour la fantaisie » mais n’en gagnent
pas moins à être connus. Tous se croisent, parfois sans jamais se parler. Tous
se jalousent, s’envient, se cherchent et s’évitent. Mais Alain Gerber, avec un sens aigu du
détail et de la formule mordante, nous permet de lire dans leurs pensées. Tout
en truffant son récit de références à la musique jazz qu’il connaît sur le bout
des ongles, l’auteur rapporte des brins de philo façon brèves de
comptoir : « Le bonheur n’est pas compliqué, si on ne lui demande pas
l’impossible ». Hum, alors ça se passait comme ça au Central ?
Thierry Boillot
LIRE « Le Central »,
Alain Gerber, éditions Fayard, 272 p., 19 €.
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