Une biographie et les souvenirs de son fils unique font
revivre Françoise Sagan, son œuvre, ses frasques, sa « folie ». Une
vie de rêve, et de cauchemars.
On peut considérer que Pascal Louvrier, l’auteur de la 9ème
(!) biographie de Françoise Sagan, se mêle un peu de tout - psychanalyse,
géopolitique, sociologie, histoire – au risque de perdre la trace de son sujet.
On peut regretter qu’il cède, au passage, à la tentation de régler quelques
comptes personnels avec une époque, la nôtre, dans laquelle il ne se reconnaît
pas. N’empêche. Voilà un travail qui a de l’ambition, de la hauteur, agrémentés
d’un beau brin de plume. Cette bio, c’est du velours trempé dans un rien
d’acide, un peu comme le fut Sagan.
Le projet de Pascal Louvrier : « évoquer Sagan
sans légende. Comprendre ce regard à la fois triste et tendre, ce sourire mutin
et désabusé. » Sagan née Françoise Quoirez, dans une famille bourgeoise,
aisée, unie, pudique, où le malheur avait déjà frappé (Maurice, un frère mort
quinze ans plus tôt à l’âge de trois mois). Elle est la préférée de son père, sa
mère est un ange, disponible, pieuse. Scolarité chaotique, Françoise est
brillante mais l’école et elle… Le bac au forceps, la fac elle s’y ennuie,
l’été, en vacances, elle démarre un roman, on se moque d’elle, elle rentre à
Paris, s’enferme dans l’appartement familial. Son manuscrit arrive dans les
mains de René Julliard, l’homme des éditions du même nom. Il sait aller vite,
il tient sa mine d’or, il le sent. « Bonjour tristesse » est le
phénomène que l’on connaît. Les best-sellers vont s’enchaîner.
Pascal Louvrier excelle pour tisser les liens entre ce que
Sagan va écrire (il est le premier à se rendre au cœur de ses textes), ce
qu’elle vit et les raisons pour lesquelles elle agit ainsi, imprudente,
impatiente, insoumise. C’est intelligent, parfois un peu rapide comme dans les
interprétations, mais ça se tient. Oui, vraiment, un modèle de biographie.
Sagan a eu un fils avec un bel américain, Bob Westhoff. Ce
fils unique, Denis Westhoff, aux parents si singuliers, à l’existence, on s’en
doute, en forme de montagnes russes, publie ce qu’il sait de sa mère. Un
témoignage très attendu. Et terriblement décevant. On ne demande certes pas à
un enfant d’avoir des tonnes de regard critique sur ses parents, mais tout de
même. Ce gamin-là a vécu au pays des bisounours, on se pince au fil des longues
et redondantes pages. Un exemple : ce n’est que page 167 qu’apparaît
soudain le mot « amante ». Oui, Peggy Roche fut certainement la
grande histoire d’amour de sa mère. Oui, Sagan avait, comment dire, une
sexualité assez… libre. Un mot, un seul, et le fils n’en parlera plus (et pas
un mot sur ce sujet concernant le père…). Autour du petit Denis, tout le monde
était léger, pétillant, attentionné, charmant (son adjectif préféré).
Désincarné. Et cette manie de dire qu’on ne se souvient de rien (pas faux, les
souvenirs d’enfance ne se ramassent pas à la pelle), puis d’aligner les
anecdotes plus détaillées les unes que les autres. Il ne savait pas marcher
qu’il analysait déjà son entourage. L’ouvrage se termine sur le récit de la
succession de Sagan, le fils accepte de se lancer dans cette folie, il fallait
du cran, du courage. A ce moment-là, on tient enfin un livre.
LIRE « Sagan, un chagrin immobile », Pascal
Louvrier, éd. Hugo & Cie, 224 p., 17,95 €.
« Sagan et fils », Denis Westhoff, éd. Stock, 256
p., 19 €.
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